Aff, eau lente... (5)
Quelques photos de la dernière partie de ma balade de samedi le long de l'Aff.
Comme appelée par la rivière, j'avais quitté le sentier pour la suivre. Bientôt, il m'a été impossible de courir, tant la végétation devenait dense.
J'ai continué, encore quelques mètres. Pour stopper contre un mur végétal infranchissable. En été, j'aurais peut être tenté de continuer, en me déchirant la peau dans les ronciers, ou en marchant dans l'eau si elle n'était pas trop profonde.
Là, j'ai simplement contemplé la rivière élargie, qui ressemblait à cet endroit à un étang paisible.
Autour du tronc du chêne, une... chaine d'inox.
Au bout de la chaine, une barque bleue.
La rive n'était pas éclairée par le soleil, contrairement à celle d'en face.
Dans la barque immobile, le ciel voguait, caché sous les feuilles.
La lumière est venue me faire un clin d'oeil, ratant de peu le centre de la barque.
J'ai eu soudain l'envie folle de lui rendre la liberté...
Bien élevée, et responsable :-)) je ne l'ai pas fait.
Je n'avais, de toute façon, aucun pouvoir magique. Le cadenas était bien réel.
L'été, cette barque là file t'elle parfois le long des berges de l'Aff?
Les bateaux ont ils une âme, aiment ils ces longs moments apaisant à fleur de talus, loin des remous, ou bien rêvent ils de descendre la rivière, jusqu'au Mortier (lieu dit), là où elle se mêle à L'Oust, là où leurs eaux un peu moins lentes commenceront, ensemble, leur dernier voyage vers l'océan?
Tout près de la barque bleue, accrochée à une autre chaine, plus rouillée celle ci, un autre bateau.
Un bateau de bois très ancien.
Lui, a commencé son dernier voyage...
Un voyage vertical, vers les profondeurs de la rivière.
Les arbres de la berge d'en face n'ont plus d'espace clos pour se mirer. La barque est sous l'eau, ils la bercent de leurs feuillages ondulants.
J'aurais voulu couper la chaine. Lui donner ce choix. Flotter encore un instant, ou filer droit vers le fond vaseux.
Même si j'avais pu ôter ces maillons de l'arbre qu'ils ceinturent, je ne l'aurais pas fait non plus. L'Aff est navigable, et qui sait si ce vieux bateau si lourd, au bois si gonflé, n'aurait pas dérivé lors des prochaines crues, créant un obstacle pour les bateaux les plus lourds qui naviguent ici?
Je comprends le plaisir que l'on peut avoir, en remontant cette rivière. Mais en même temps, ces bateaux, bien que très peu nombreux, me gênent. Le bruit, les moteurs, salissent la quiétude du lieux.
J'aime les barques de pêche, les canoës, les bateaux qui filent sans bruit le long de l'eau.
Mais en hiver, aucun bruit ne viendra troubler l'Aff. Et qui, à part le propriétaire de la barque bleue, aura eu un regard pour cet angle de bois sombre?
Les feuilles hésitent, en équilibre instable sur le bois glissant.
Un coup de vent les fera plonger.
Là, elles rejoindront le reflet du chêne qui les a portées.
Du ciel vers l'eau, de l'eau vers un autre ciel...
Au retour, le soleil trop haut ne faisait plus fumer l'herbe. Le givre ne persistait que dans l'ombre profonde.
J'ai attaqué le kilomètre de pente pure à travers la pinède et ses bruyères d'été roussies en souriant.
En la dévalant, je savais que j'allais aimer la remontée...
Je l'ai aimée.