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face au vent-avel a benn
9 avril 2007

ewigkeit, le retour(2)

Sifflotement de celle qui en a vu d'autres...

Me revoilà, beaucoup plus tôt que prévu.
Bête et conne, j'avais oublié que j'avais coupé le chauffe eau électrique en partant.
Résultat: une douche froide, une...
Je ne suis plus à çà près. C'était presque "confortable".

Je ne vais pas vous raconter mon voyage ce soir, trop long, et il faut que je mette de l'ordre dans mon récit à venir. Fâcheuse tendance à commencer par la fin...
D'ailleurs, c'est ce que je vais faire. Enfin presque.
Simplement pour que vous compreniez certaines choses.

Pour ceux qui n'étaient pas là en 2005, je suis déjà allée randonner en Forêt Noire, et j'ose l'avouer: c'était çà, ou le suicide (sérieusement).
Là bas, je suis entrée dans une autre dimension. Bref, allez lire mes récits d'octobre 2005, je ne peux pas résumer ce soir.
J'avais trouvé une photo sur internet, un lac, le Glaswaldsee, totalement par hasard. La photo m'a fascinée. Je m'y suis accrochée.
Garde fou?
Oui, j'étais folle. Je le suis toujours d'ailleurs.
Une après midi, tout proche du saut final, j'ai fait un sac en 1/4h, et je suis partie. 2400km rien que pour voir ce lac. Une semaine. Je dormais chez l'habitant, et chaque jour j'allais au lac à pieds (entre 10 et 35km selon le chemin) par un chemin différent.
Ne cherchez pas la signification du "pourquoi du comment du parce que", çà se ressent, çà ne s'explique pas.

Zut, je viens de résumer...
Un an et demi après, pas de grand saut prévu, je vais bien, je suis juste comme un oeuf brisé qu'on aurait recollé,  la lumière passe à travers les fissures. Mais je me sens bien.
Une envie d'y retourner. Plaisir, pas "besoin".
L'angoisse que çà ne me fasse plus "le même effet"?
Non, pas du tout. Car ce coin là, j'ai murement réfléchi, c'est là que je désire finir ma vie, et pas que la finir si possible.
Pour plein de raison.

La montagne, le climat, la beauté du paysage, et aussi, pour ses habitants.

Ce soir, j'ouvre donc une parenthèse du récit, pour expliquer dans quelles conditions (mentales) je suis repartie là bas, et tenter de vous ouvrir les yeux sur quelque chose.

J'avais décidé, au départ, de faire une étape de 100km  non stop, du Glaswaldsee jusqu'en haut du Feldberg, point culminant de la Forêt Noire (1493m). 120km exactement d'ailleurs.
Ceci, avant de décider sur un coup de tête de partir en Avril.
J'ai changé d'avis, bien avant d'être sur place et de hurler de douleur à cause du mal aux pieds (vous y aurez droit lors des prochains épisodes).
Car:

1) En Avril, les jours sont courts. Marcher 100km c'est 24h de marche en comptant les pauses à un super rythme, et marcher avec une lampe frontale sur des sentiers de montagne, ce n'est pas évident. (j'ai testé pour vous, je vous raconterai).

2) En Avril, il fait FROID. Et là vous vous dites? Froid? Mais ici, dans les Alpes, les Pyrénées, les etc, il ne fait pas si froid que çà non?
Pourquoi? Vous y avez dormi à la belle étoile? Testez...
Oui, ici, même à basse altitude (entre 600 et 1500m) il fait très froid la nuit. Climat continental, l'hiver est un enfer. -2 degrés à 14h mercredi, vous imaginez la nuit à l'air libre? Les autres jours ont été ensoleillés, mais les nuits restent glaciales.
Ici, la vie des "locaux" était terrible, des documentaire l'attestent, avant l'invention du tourisme vert.
D'une extrême pauvreté, le pays est passé à un état de richesse plus ou moins visible, ici on se fait un fric fou avec les touristes. Tout en ayant gardé le pays tel quel, aussi nature qu'avant je précise.

3) On ne marche pas 100km (ni 50, ni même la moitié) avec des chaussures de montagne neuves!!!!
Commandées fin mars, reçues 3j avant le départ. Rien n'était prévu, alors que faire? Partir avec les vieilles, à la semelle naze, qui prennent l'eau de toute part?
J'aurais eu des ampoules énormes (comme avec les neuves), moins d'échauffements (mon problème durant tout le parcours, j'en ai pleuré) mais elles n'auraient jamais passé le Feldberg. Car vous allez voir ce que j'ai vécu là bas! Je m'étais renseignée sur un forum de marche allemand: chaussures costaudes plus guêtres obligatoires. Les crampons alu d'alpinisme n'auraient pas été de trop...
Il me fallait du Goretex pour ne pas avoir les pieds gelés dès le premier centimètre de neige. Evident.

4) On ne marche pas 100km avec un sac à dos qui pèse un mort (pourtant j'ai fait mon maxi, je pouvais pas faire mieux, génial!) sauf si, je le répète, on est chargé (en dope) comme un mulet.
Un "mulet", en rando, c'est AUSSI le gars qui se porte un sac de 25kg avec rien que d"u lourd qui sert à rien dedans"...

Bref, avant de partir, je savais que je ferai mes 120km jusqu'au Feldberg, mais pas d'un trait, et pour  AUCUNE des 4 raisons citées plus haut, ou du moins, SURTOUT pour la cinquième raison:

Si un jour je veux marcher 100km, ou 24 non stop, je le ferai, par exemple, autour de ma maison (torture mentale extrême), ou sur 100km pas franchement fascinants (faut du moral pour aller au bout).
Mais le Westweg (le nom du sentier que j'ai parcouru), c'est une merveille. Et plus que çà.
Car ce pays là, je l'aime. En automne, au printemps, sous la neige, sous la pluie....
Ce pays là, quand mes enfants seront grands et casés, j'irai y vivre.

ALORS IL N'EST PAS QUESTION QUE JE MARCHE 100KM EN REGARDANT MES PIEDS SANS LEVER LA TETE!
Et VOIR...

Marcher 100km, ce n'est pas VIVRE. C'est avoir un but: terminer ces putains de 100km.

Depuis longtemps, je n'ai plus de but: envie d'aller en haut du Feldberg? Ce soir? ou demain? ou une autre fois au cas où.. il ne partira pas le Feldberg, je le sais...  Plus de but, juste du feeling.
Le seul truc qui pour moi était indispensable, c'était de revenir et de passer la dernière nuit là où j'ai passé la première, et d'où je suis partie. Du lac.

Autre parenthèse:
Pourquoi, en plus de la beauté de la montagne, j'aime ce pays?
Pour ses habitants.

Je vous l'expliquerai tout au long de mon récit, lors de mes rares rencontres avec des "êtres humains".
Mais il faut que je vous raconte l'épisode du jour.

Gare de Appenweier. Minuscule gare au milieu de rien, j'attends mon 2eme train, correspondance qui me mènera vers le 3eme, à Strasbourg.
Un groupe de retraités se prend en photo sur le quai. Sourires, gaieté de rigueur. J'ai posé mon sac, et je pose mes fesses sur une barrière de bois, assez loin d'une dame qui a l'âge de ma mère, pour ne pas l''importuner par mes éventuelles odeurs de transpiration.
La dame me regarde, et me dit (en allemand bien sur):
la place entre vous et moi est gratuite aussi.
Traduction: je suis vieille, mais c'est pas contagieux. Elle pense que je la fuis.
Je commence à parler, avec mon très très mauvais allemand... je suis française, désolée, mais...
Elle me coupe:
Ah!!! la France.... Entre la France et l'Allemagne, il y a toujours eu un espace qui jamais ne se comble. (ton désolé)
Traduction: elle a du naitre pendant ou juste après la guerre, et elle sait que la majorité des Français n'aiment pas les sales Boches...
D'ailleurs, avouez le: parmi vous, il doit y en avoir qui ont pensé: mais elle est allée faire quoi en Allemagne?
La Forêt Noire, c'est pas la Digue aux Seychelles, y a mieux!!!
Et l'Allemagne, c'est un pays froid, avec des Allemands en plus!!! Et ils sont rigides, pas commodes etc...

Alors oui, en Allemagne, comme ailleurs, y a des cons.
Mais jamais je n'ai été accueillie aussi bien que là bas. Et pas que par les commerçants qui en veulent à mon fric je précise.
Car avouez le aussi, parfois, en France, le commerçant, même si il en veut à votre fric, il ne vous dit même pas bonjour...
Et le client ne dit même pas bonjour au commerçant non plus...
Bref, sans même parler de "chaleur humaine", en France, la politesse c'est pas çà du tout...

Vous aurez droit à pas mal d'exemples, dont des trucs dingues, mais reprenons avec l'histoire de la dame et du groupe de retraités.
J'explique à la dame que "oh non que d'espace y en a pas, du moins pas pour moi, car je viendrai finir ma vie ici etc..."
Ah bonn? (ville allemande)
Vi. Et je continue: ce n'est juste parce que j'ai passé une semaine ici en forêt, c'est réfléchi.
La dame est heureuse, et le dit à tout le groupe qui se rapproche. Elle me questionne: vous avez fait de la randonnée?
Rapide résumé, sans me vanter, car je n'ai pas à me vanter du tout. Tant de km seule, dormi dehors sous des abris, neige parfois jusqu'à mi cuisses, heureuse... Très beau, merveilleux, etc.
Méééééééééé, seule??????????
Vi
Méééééééééé, pas peur?
Je tente d'expliquer: seule en ville, j'aurais peur. En forêt, j'étais vraiment seule!!!
Méééééééééééé, vous n'avez parlé à personne pendant une semaine?
Nan, quasiment pas.
Tout le groupe m'entoure.
Mééééééééééé, vous n'avez pas mal aux pieds?
Oh si!!
Ils veulent voir... Je leur montre. Hurlements! Une dame me propose des pansements, je lui dit que j'en ai déjà. Plus de place pour en mettre un seul.
On rigole...
Je ne saisis pas la totalité, mais je participe... Peur de rien, elle sort son pistolet, et boum dit un vieux monsieur en riant...
Tous me congratulent sincèrement, je ne comprends même pas pourquoi, je n'ai rien accompli de fabuleux (enfin... çà sortait de l'ordinaire quand même)...
Dans la discussion, j'entends un truc: "c'est des choses qu'on fait quand on est jeune, mais quand on vieillit hein...)
Nous continuons à discuter. La dame me dit: quand  j'étais à l'école, j'ai appris l'anglais, mais il ne me reste plus rien...
Je lui dit: quand j'avais 18ans, moi aussi je parlais bien allemand... Mais à 40 j'ai tout oublié.
Ma voisine de siège tique: 40? vous avez 40ans?
Bah oui pourquoi?
Et c'est reparti: elle appelle tout le groupe, ceux à qui elle disait justement "quand on est vieux etc"..) Elle a 40ans!!!
Nooooooooooon!!!!!!
Mais si!!!!!!!!!!!!
Noooooonnnn!!!!
Bon ok, je fais plus jeune, je suis vêtue comme une sauvageonne, mais quand même  pensais je...
J'éclate de rire, je baisse la tête et je leur dit: regardez mes racines blanches!!! (car quand on part faire un trek en solitaire, on ne va pas rencontrer George Clooney, alors on oublie la teinture fraiche et l'épilateur électrique pour les jambes).
Hurlements de rire des dames, toutes bien habillées et bien coiffées.

Ma voisine me prend le bras, et me dit: je vous souhaite bonne chance, pour aujourd'hui, et pour tous les jours de votre vie.
P'tain... Je vous jure, çà fait bizarre...
Dans les yeux de ces gens, je comprends qu'ils ont peut être compris. Que je suis passée certainement par des caps à doubler où j'ai manqué sombrer. Où j'ai sombré. Où j'ai refais surface, autrement.
Et puis... non, ce sont tout simplement des gens qui aiment les autres, qui sont chaleureux, rien de plus. Mais çà, çà devient rare...

Nous montons dans le train. Je m'isole, je les laisse entre eux.
Ils descendent à Kehl, avant la frontière, pour prendre un autre train.
Ma voisine de toute à l'heure s'avance, et me tend la main: elle me donne un oeuf de Pâques bleu, peint à la main. Joyeuses Pâques me dit elle, me fait une 'tite caresse sur la joue, et me serre la main. (ici Pâques est une vraie fête, les jardins et les maisons sont décorés)
Une autre me serre la main, et  une autre, et un autre, et tout le groupe... J'hallucine, l'oeuf dans la main, c'est fou ce que ce geste me touche.
Le reste du wagon ne doit rien piger au film...
Et qu'on ne me dise pas le contraire: en France, si vous voyez quelqu'un qui ressemble à un routard, sale, mal coiffé, look sdf baroudeur, vous lui offrez des oeufs de Pâques en le serrant dans vos bras?
Non.. vous passez devant sans regarder, et sans respirer.
Mais je n'ai pas le regard de celui qui n'a rien... Je me me sens... intense.
A bientôt peut être alors, quand vous vivrez ici me disent ils.
Une dame rebrousse chemin et me dit: vous avez besoin de calories, joyeuses Pâques!! Elle me met une petite tablette de chocolat noir dans la main. Je croque dedans, comme si c'était le meilleur chocolat du monde. D'ailleurs, çà l'est.
Je les salue, ils me saluent, le train repart...
Le Rhin.
Là, depuis 5h30 ce matin qu'elle est coincée, la larme se libère enfin et coule sur ma joue gauche. Je ne peux rien faire du tout, tant pis pour le reste du wagon.
Le jeune homme d'en face, tourne la tête, surtout faire celui qui n'a rien vu...

Voilà.
Pour vous qui lisez, cela ne "parle pas". Mais je vous le dis: il ne faut pas s'arrêter sur des visions figées... Sur les on dit, les conneries du passé...
Là bas, il n'y a pas que la forêt.
Et ce n'est pas parce que j'ai passé une semaine absolument seule que j'ai apprécié plus que ce qu'il aurait fallu ces 40 minutes avec ces gens là.
Dès mon arrivée, j'ai rencontré des gens géniaux, je vous en reparlerai... Des rencontres qui ne durent que quelques minutes, mais qui vous font dire: l'être humain est simple/bon/sympa.
Parfois...

Je vais me forcer à aller au lit. Je n'ai pas sommeil.
Euh?
C'est quoi un lit?

La suite du récit en cliquant sur "ici"

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Commentaires
W
>> Truly : quand on croise quelqu'un d'exceptionnel... il ne faut surtout pas le/la rater.<br /> Baisser les yeux et se faire tout petit serait dommage... tellement dommage !<br /> <br /> >> Laouen : J'aime de plus en plus les papillons... voilà les premiers... c'est enfin le printemps...<br /> <br /> plus loin...<br /> si loin...<br /> bien au-delà du printemps...<br /> il y a... la cinquième saison...<br /> mais la route est longue, si longue...<br /> Et il faut abandonner tant et tant, jusqu'à soi-même pour déjà la parcourir... et peut-être un jour arriver...<br /> C'est là que certains attendent... sur la plage...
L
Truly, pourquoi je pleure?<br /> franchement, une grande dame moi?<br /> merci, sincèrement.<br /> j'allais écrire une bétise.. c'est certainement cette "grandeur" qui a fait fuir ceux à qui je tenais...<br /> nous n'étions pas sur la même planète il faut croire, pourtant...<br /> j'espère bien, que si un jour je croise l'un de vous, lecteurs qui n'êtes pour l'instant que des mots, vous ne regarderez pas vos pieds en rasant les murs.<br /> marcher, faire des pas, dans le sens où je l'entends, c'est parfois grand.<br /> Mais marcher vers l"autre", c'est...
T
Pas un de mes mots ne vaut un seul de tes pas .<br /> Si un jour, je croise cette grande dame là, je sais <br /> que je la reconnaîtrai à son regard et je me ferai tout petit et je passerai mon chemin honteux de ma piètre présence ici bas .
B
JA, javais même pas vu !!! pourtant, c'est pas dans mes habitudes de laisser passer des fautes !!!<br /> <br /> JA, JA, Laouen, la prochaine fois tu m'emmènes (mais je crois que j'aurai pas ton endurance, faudra être plus cool avec une sportive, mais débutante dans l'endurance de la marche)
L
Biwi, ta faute de frappe m'a donné un immense sourire..<br /> Ecrire "ja" au lieu de "je", c'est dingue...
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