Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
face au vent-avel a benn
11 mars 2005

courir,souffrir,plaisir...

     J'entend encore le doc me dire: "dans votre état,l'effort physique intense est fortement déconseillé,je me demande même comment vous y arrivez encore...vous risquez le malaise,votre coeur monte trop vite,trop haut,de manière anarchique"...

     OK doc.Ne rien faire,rester vautrée sur le canapé,regarder Derrick à la télé.Mon coeur descend trop vite,trop bas,de manière terriblement régulière....Zut! Il ne bat plus,je crois bien que je suis morte d'ennui...

     J'ai besoin de faire des efforts,et ce qui nuit à ma santé physique je le fais pour ma survie,mon équilibre mental en dépend.Le corps ne suit pas,mais je tiens à préserver ce qu'il reste de mon cerveau.Alors je continue,sans faire de l'intensif,je suis mes envies,je marche aux sensations. Je n'ai plus touché un vélo depuis 15j.Le cross,çà passe encore,la dimension technique me fait arriver à me concentrer suffisament pour éviter les chutes graves. Mais la route? Fin février,je me balladais sur une route que je connais par coeur,et soudain,en pleine descente: l'angoisse me saisit.Je ne savais plus du tout où j'étais,ne reconnaissais plus rien,celà a duré quelques secondes,avant que je me raisonne. Je pense trop,et celà me gène même en vélo,alors je préfère le ranger,attendre que mon esprit soit plus calme.

     Ce matin,j'ai ressortis mes vieilles chaussures de running. Je courais souvent,avant... Avant la compet en vélo,quand le sport n'était pour moi qu'un plaisir.Depuis 2003 j'avais oublié les sensations de la course,mis à part quelques sorties en septembre 2004.Plus touché les chaussures depuis le 30 Decembre,où ma fille et moi avions blablaté en courant pendant 1h à Vincennes.

     J'aurais du commencer par une paire de kilomètres,gentiment,y retourner de temps en temps,mais chez moi c'est tout ou rien.Me revoilà partie,sur mon circuit favori,12km de nature,de pentes terribles où parfois on ne peut que marcher courbé.

     Il fait froid,4 petits degrés,mais le soleil est presque insolent.Je pars...J'ai décidé de me faire le plus légère possible.Ne jamais forcer,caresser le sol,rester aérienne,travailler sa foulée.Le plaisir est immédiat, chaque fois que je recommence à courir je me demande pourquoi j'ai arreté.Je ne souffre même pas,çà viendra plus tard.Côtes,descentes,mes chaussures sont lisses,le terrain est mou,je glisse...Devers,mon pied se tord,je sais que cette nuit j'aurai mal partout,peu importe.Virage,çà grimpe terriblement,raccourcir la foulée,souffler,j'ai mal,çà y est,mais je souffre presque moins que d'habitude,j' ai voulu venir ici,j'y suis,je suis heureuse. Enfin en haut,descente en devers,completement écrasée sur le pied gauche.Demain je ne vais plus pouvoir descendre les escaliers,le moindre pas sera une douleur,c'est toujours ainsi chez les cyclistes apprentis-coureurs.Virage,je suis maso,je reprends la cote,une fois,descente,une deuxième fois...Je ne m'épargnerai rien,je veux souffrir. Pour me punir? Non,juste pour que la souffrance physique me fasse un peu oublier tout ce qui se bouscule dans ma tête.Et bien,même dans la partie la plus dure,je le sais:ce ne sera pas possible,mais ici au moins,ce qu'il peut m'arriver de pire c'est d'embrasser un arbre d'un peu trop près dans un moment de flou intégral... Fin de la première partie,dernier kilomètre,faux plat,j'allonge,les mouvements de bras s'accentuent,je suis bien,j'allonge encore...

     La route. Je le sais,c'est la partie que je deteste.5 minutes de cote,sur bitume,je suis collée,j'ai mal,mais je sais que le meilleur reste à venir,dans 5 minutes tout va changer...Je rerentre dans le bois,virage.Tout bascule.Le sentier monte encore un peu,mais je sais que çà va arriver,je connais l'endroit exact,boueux,avec des cailloux ronds au milieu,c'est toujours là que çà arrive. 28 minutes,on y est,je souris,je la sens monter en moi: la première poussée d'endorphine. Là ,tiens,je rigole .Et çà me ramène à ce blog,je souris,et j'allonge le pas...Profiter de chaque seconde,je ne touche plus terre,je n'entend même plus le bruit de mes pas qui martèlent le sol,je glisse,je vole.Virage,descente.L'hiver n'a pas été trop catastrophique,l'eau n'a pas raviné la descente.Je bondis,je saute de cailloux en cailloux,on dirait un torrent à sec.C'est dangereux,les feuilles cachent les trous entre les pierres,je m'en fous,je vais où mes pas me mènent. En bas.La rivière.Le passage le plus agréable,presque plat,mais quelle boue...Il y a 15j elle était presque en crue,l'eau s'est calmée,elle est presque immobile. Je patine,çà ne rend pas,je m'en moque,oublier le chrono,il fait beau,mon coeur bat,je suis en vie. Escaliers,et encore la rivière...Je surprend une grande aigrette,etonnant,je pensais qu'il n'y en avait pas en Bretagne,peut etre était-ce un héron albinos,si rare,comme un signe,un grand oiseau blanc qui me regarde.

     Je recommence à souffrir,pas couru depuis longtemps,point de coté,et pire; ampoule énorme en formation sous chaque pied.Etonnant comme la souffrance est indissociable du plaisir non? La douleur s'amplifie,je sais que je vais finir en puisant ma force dans ma tête,mon corps ne supporte plus les efforts violents,il va falloir aller puiser la volonté loin dans mes pensées. Virage,je sais qu'arrive la pente la plus terrible,mes pieds me feraient hurler si je ne me contenais pas. "sois sage oh ma douleur et tiens toi plus tranquille" disait le poète,elle n'a pas l'air de se calmer...Alors je ferai avec,je vais l'apprivoiser,en faire mon ami.Je suis forte,je le sais.Continue,je ne t'oublie pas,tu m'aides à tenir le coup,chaque pas qui me fait si mal me rappelle que je suis en vie.Reste,tu ne me gène pas,je t'aime ma douleur,alors tu vois,tu ne peux rien contre moi.Tout le long j'aurais pensé,trop.çà me fait sourire,je suis seule,dans le bois,j'ai envie de gueuler,d'exploser,personne pour m'écouter.Non,je souris encore,j'aurais fait tout mon parcours en souriant,ma motivation est trop puissante,je ne cours plus pour moi,c'est plus fort que çà.

     Virage,pente,je fais du sur place,et je sais qu'en haut ce sera encore plus dur.Je marche,impossible de courir,j'irai plus lentement.Repartir est difficile,mais le terrain me plait,sinueux,des talus,des ronces,j'allonge...2eme poussée d'endorphine...Descente,si pentue que je m'accroche au branches.Allonger,encore.çà grimpe,il faut souffler,bientot le virage,j'ai mal,mon coeur est dans le rouge,il bat furieusement,je ne controle plus rien.Enfin,çà déroule,rochers,mousse,descente,bientôt la route,allonge... Route,je n'en peux plus,je m'étouffe,pourtant je suis bras nus,à l'air libre,j'ai presque froid,j'ai puisé dans mes reserves.D'habitude,cette dernière portion de route,je la fais à bloc,au sprint,6 minutes intenses,foulées longues.

     Calme,respire,pense à ce mal qui te vrille,tu oublieras les autres douleurs,avant dernière cote,raccourcir la foulée,souffler,bientôt tu vas basculer.Descente,allonge,desserre les dents,desserre les points,bouge tes bras,ouvre tes mains...Dernière côte,ralentir,il le faut,tu le sais,jamais forcer sur la fin...Allonge,souris,monte les genoux,allonge encore,les bras bougent et lancent mes mains ouvertes vers l'avant,j'attrappe le vent,j'enlace l'air,allonge encore,je sais que je vais souffrir,je m'en fous.Souffrir j'ai l'habitude,et parfois je me fais volontaire souffrir,pour mieux apprendre à la maitriser,la douleur.Et je me sens plus forte,quand j'y arrive,comme dans une autre dimension.Je me souviens,il a quelque temps: j'ai voulu me faire mal,mais vraiment mal.Et pour çà,rien ne vaut ce que l'on appelle "la chaise romaine".Pieds nus,dos contre le mur,assise...sur rien.chrono.C'est ma fille qui tiens le chrono,au début elle rigole.Les minutes passent,la douleur devient intense,je ferme les yeux,c'est pire.Je pense,je me motive,me répète quelques mots en silence,toujours les mêmes.J'ouvre les yeux,je ne vois plus rien,je n'entends plus rien.Le chrono tourne,la limite de l'insupportable est passée depuis longtemps.Mes cuisses sont tétanisées,je puise ma force à la source.Je commence à pleurer,ma fille ne dit plus rien,je ne peux pas me retenir,mes jambes commencent à trembler,je ne peux plus les retenir non plus,j'ai les yeux complètement fous,c'est atroce.Je finis par m'écrouler à cause des tremblements,j'ai tenu un temps incroyable,je ne m'en souviens meme plus,ce n'était pas çà l'important,je ne suis pas loin du record du monde...Si si,serieux! Elle est folle? Oui,totalement,définitivement,dingo,dans tout ce que je fais.Peu après,ma fille rentre d'un entrainement d'athé et me dit avec une fièrté qui me fait chaud au coeur:Maman,on a fait un concours de chaise romaine,avec les benjamines,j'étais la plus jeune,la plus petite (1m40 de muscles et 30kg d'amour),et j'ai gagné,j'ai arreté à 3min30,je pouvais aller plus loin.Petite mère,si jeune,et déjà se faire mal ainsi...

     La voiture est là,je m'arrete .Stop.Assise.Tout danse autour de moi,je ferme les yeux.Je me suis encore arretée brutalement,j'ai des frissons,le cerveau s'irrigue mal,le coeur s'affole un instant.Je souffle,j'ouvre les yeux.Il fait beau,je respire,je souris encore,3eme poussée d'endorphine,je suis heureuse,presque. J'ai fait un bon temps,mais là n'était pas l'essentiel.Je reviendrai

     Midi.Le coeur se calme un peu,mais alors,juste un peu.Je suis heureuse.Vraiment.

Publicité
Commentaires
C
Je viens de finir la lecture de ce cross historique et je me suis pris en train de courir à tes côtés, à essayer de te suivre. Je me suis essoufflé avec toi dans ces foutues côtes, le paysage, tu as raison, était superbe, mais à pertir d'un moment, je n'ai plus rien vu. Mon coeur s'emballait, les explosions se succédaient dans la cage thoracique. J'ai beaucoup aimé cette côte qui, enfin, t'a obligé à marcher pour récupérer un peu. Et moi aussi, j'ai senti mes puls redescendre, mon coeur et mon corps se calmer. Mais que j'ai mal partout!! Je suis une loque, en vrac, cassé. Non, décidément, la lecture de tes récits m'épuise!! Continue
L
amusant ce commentaire...çà sonne vraiment comme si tu me connaissais.pas un mot sur ce que j'ai dit plus haut (le vélo,la maladie etc...)comme si tu savais déjà tout.franchement,après tu me demandes pourquoi j'ai eu des doutes?<br /> sinon en réponse:pas besoin de le vider,ce qui est dedans me plait tel quel
E
Bel effort !<br /> <br /> Le commentaire :<br /> "Besoin de se vider le cerveau ?"<br /> <br /> Ah !!! Endorphine, quand tu nous tiens.
Publicité
Derniers commentaires
Publicité