Glaswald...(4)

Il neige dans la vallée. Demain Le bourg de Schapbach se réveillera en blanc.
Mais ce soir les hommes se préparent à fêter la nuit la plus longue de l'année, car ils ne dormiront pas, ou peu.
Je n'ai jamais réellement fêté le 31 décembre, même à l'âge où j'aurais théoriquement du le faire.
Longues soirées télé avec ma mère, à bailler en attendant minuit, la délivrance, et enfin aller me coucher.
J'ai quitté la maison à 18ans, comme on aspire enfin la première bouffée d'air frais avant l'asphyxie totale, pour me mettre en ménage. Trop tôt.
Là aussi, les 31 décembre se ressemblaient. Longues soirées télé, chez mes parents, ou les siens.
Etudiante trop sérieuse, je ne sortais jamais, je n'avais pas d'amis.

Jamais je n'ai vraiment ressenti le besoin de saluer la fin de l'année, ni le début de la nouvelle.
Et si je laisse, ici, et chez vous, des petits voeux de bonne année, c'est plus "parce que tout le monde le fait".

Je vous souhaite sincèrement, bonheur, santé, rêves, envols...
Mais pas forcément "parce qu'on vient de changer d'année".
Aujourd'hui, demain, qu'importe le mois ou l'année.

En cette fin d'année et début de la nouvelle, ce n'est pas ce changement du 7 en 8 que je fête, c'est tout simplement le solstice d'hiver.
Et depuis le 21 décembre, la lumière le fête avec moi.
Nous avons déjà droit à 14 minutes de jour en plus, le soir!
Je n'ai pas écrit "de soleil", car pour tout vous dire, il fait un temps immonde en Bretagne. Brouillard poisseux, glacé, visibilité nulle, et vent à arracher vos dernières illusions.
Ici, malgré la température, nous avons bien plus froid qu'en Allemagne. Et ma maison est glacée, malgré le petit poêle à pétrole. Quand nous sommes rentrés mercredi soir il faisait 9 degrés, malgré les radiateurs électriques!
Vous imaginez 1) leur efficacité 2) ma gueule en découvrant la facture, facture d'un chauffage qui ne chauffe pas.

Depuis hier, le jour se lève une minute plus tôt que lors des nuits les plus longues de l'hiver. çà se fête!
çà se fête avec légèreté, non comme une délivrance. Les nuits hivernales ne m'angoissent pas.

Revenons au 31 décembre.

L'église de Schapbach, tout à l'heure, ne sera plus la seule source de lumière dans la nuit sombre. Les hommes préparent le feu d'artifice.

Ici, les petits supermarchés sont pleins de fusées à vendre, à des prix dérisoires (par rapport aux kits vendus en France pour le 14 juillet). Et ce ne sont pas de simples pétards! De vrais fusées qui retombent en pluies d'étoiles, du matos de belle qualité.
Ce matin, à Freudenstadt, les clients entassaient boites sur boites dans les charriots.

Je prépare un repas tout simple.
Sur le palier, en rentrant, j'ai trouvé une carte de voeux de la part des proprios, et une minibouteille de mousseux.
Minimoi et moi rigolons: chic, on va se bourrer la gueule! Un verre par personne!
Première désillusion de la soirée: P'tit Troud a du mal à digérer les efforts répétés. Le ski, la marche dans la neige, çà l'a mis KO.
Nous aussi, mais on a derrière nous un lourd passé de sportives de haut niveau (pfff, mes chevilles vont bien, je rigole) et Minimoi a aussi devant elle un long avenir de sportive de haut niveau (là, c'est vrai, si elle veut se donner la peine).

P'tit Troud sombre le nez dans son assiette. Il est 22h30. Habituellement il est le premier à insister pour se coucher tard, mais là, je vois bien qu'il a passé la limite. Je lui demande si il veut aller dormir, et il répond par l'affirmative.

P'tit Troud au lit, nous n'irons pas à Schapbach voir le feu d'artifice. Si il se levait, alerté par le boucan, et découvrait la maison vide, ce ne serait pas sympa.
Nous ouvrons les fenêtres en grand. Il neige un peu, et le froid est agressif.
L'heure tourne, et quelques pétards partent avant l'heure fatidique. La télé tourne, mais personne ne la regarde.

J'avoue que nous oublions totalement de regarder nos montres.
Au village, c'est le début du feu, et par la fenêtre nous pouvons en voir une bonne partie.
Mais le spectacle est partout, dans toutes les cours de maison.
Un pétard passe à 1m de mon nez, rasant la fenêtre, et va s'abimer dans un champ en face. Un voisin nous bombarde!
Nos proprios sont dans la cour, ils installent eux aussi leurs fusées.
C'est parti! Damned, çà pète dans tous les coins!

Rapidement l'air est saturé par l'odeur de poudre.
Nous jetons un oeil à la télé. Feu d'artifice géant sur Berlin. Tiens, on a du passer minuit!
Petite flute de mousseux, à la fenêtre, les doigts gelés, l'air glacé qui fait rougir le nez.

Je rêvais de silence et de cabane sur le lac, mais j'ai choisi de partager la neige avec mes enfants, je les garde au chaud dans le nid.
En bas, quelques jolies fusées éclairent la cour. Je n'arrive pas à faire des photos correctes, l'appareil est complexe, faudrait que je lise la notice :-))
Nous irons nous coucher assez tot, avant 2h du mat.
Demain nous allons marcher vers le lac, et manger là bas à midi.
Le sandwich saucisson/fromage dans un tel lieu vaut bien 1000 réveillons...

Comments

[Jipes]

Une belle façon de passer d'un an à l'autre, de belles lumières c'est une tradition aussi en Alsace et c'est un plaisir de sortir et d'admirer ses lumières dans le froid de l'hiver !

[J.Michel]

Freudenstadt.....amical comme Nom ....;-)

[dany]

Une belle nuit, pleine de lumière, avec tes oisillons, dans un nid douillet squatté... quelle belle façon de fêter l'allongement des jours !

[Cornus]

"Je rêvais de silence et de cabane sur le lac, mais j'ai choisi de partager la neige avec mes enfants, je les garde au chaud dans le nid."
J'avais été conditionné par ce qui précédait, mais cette phrase m'a ému aux larmes. Par certains aspects, je me suis reconnu dans ce que tu as pu écrire : le fait qu'avant le 31/12/2005, je n'étais jamais sorti de mon cocon familial pour faire la fête, le fait que j'ai toujours été sérieux dans mes études, le fait que le fait de changer d'année ne m'a jamais ému plus que ça. J'aime bien ce genre de récit.
Une nouvelle fois, bonne année à toi et à tes chers enfants.