Menez Du, Speied
Aujourd'hui la nuit a duré tout le jour.
Pluie, pluie, pluie...
Je pense aux crêtes, à ces écueils qu'aucune vague jamais ne recouvrira.
Ici, l'herbe est roussie, brulée par le froid, l'acidité du sol, le vent incessant.
Mais la vie, ici, est immortelle.
Chaque goutte de vie qui tombe sur ces pierres, chaque goutte de vie qui en nait, jamais n'aura le gout douceatre de la mort.
Ici la vie est apre, ici la vie est vie.
Un jour, il ne restera de ces énormes rochers que ces veines de quartz, plus dures que le schiste.
Le schiste gris face au soleil se lit du bout des doigts sur sa face nord, rousse et orangée.
Au croisement des veines, nous mêmes.
Sachez voir à travers le brouillard. L'invisible est un cadeau.
Quelque part, au fond d'une forêt sombre et humide, un étang.
Lignes de forces négatives, l'Ankou rode, une crête porte son nom tout près.
Le brouillard effraie ceux qui ont peur de se voir dans un miroir embué, le noir terrifie ceux qui doutent d'eux même.
Ce coin de Finistère ne se donne pas, il vous aspire comme une flaque de boue noire, vous épuise, vous emporte plus haut que jamais vous ne pourrez descendre.
C'est confus? :-))
Les pieds dans la tourbe sombre, les jambes lourdes, ouvrez votre coeur.
Les dalles de schistes y sont verticales, elles sont la ligne à suivre.
Pour aimer les tourbières il faut avoir souffert, il faut s'être perdu, enlisé, en être sorti, sale, fourbu, vivant.
L'étang fantôme confond reflets et vérité.
Qui s'assiera ici, au coeur de la forêt perdue?
Plus haut. Le gris se fond dans le gris. Le roc de schiste s'est dressé comme un bateau qui sombre.
Toull al Laëron, point culminant des Montagnes Noires. Veines de schistes dans lesquelles circule mon sang.
Du haut du Toull al Laëron la vue se perd dans le brouillard glacé.
Pas simple, à bout de bras, de rentrer dans le cadre.
Sur le Toull al Laëron, deux coeurs flous.
Les pierres ont des coeurs de pierre, mais ils sont immortels...