Calypso...
Enorme journée...
Je laisse quelques lignes ce soir, car je ne sais pas si j'aurai le courage et le temps d'en parler avant d'aller dormir. Je suis encore épuisée d'hier, et je viens de faire 330km en voiture, juste pour saluer un tas de ferraille.
Mais quel tas de ferraille...
Et là, je vais aborder un sujet qui m'a toujours touchée, bien que n'appartenant pas au monde de la mer, et bien que ne me sentant pas proche de la mer en général, moi qui suis une fille des bois, et une amoureuse des montagnes: les bateaux, et surtout, leur fin.
J'ai là dessus des idées très particulières qui risquent de faire hérisser les poils de beaucoup de lecteurs, arrivés ici par habitude, ou par hasard. Je préfère ne pas en discuter sur ce post. Cet après midi, en traversant la grande cité dortoir de Lorient, je suis sortie de l'autoroute, un désir violent, que je retiens depuis des mois, et j'ai cherché un coin perdu, que j'avais eu du mal à trouver il y a 15ans, pourtant munie d'une carte. Là, sans rien, c'était peine perdue. Je doute que cet endroit existe encore, du moins comme il était il y a 15ans. Si il y a des Lorientais qui me lisent, faites moi signe en commentaire svp, j'ai une question à vous poser.
Ensuite, je vous parlerai de la mort des bateaux... Mais pas aujourd'hui.
Vendredi soir, en lisant le blog de Mery, j'ai pleuré. Je ne savais pas, ne lisant pas les journaux locaux, et ne regardant pas la télévision régionale.
J'ai pleuré en regardant ses photos, et je me suis dit: dimanche, il faut que j'aille à Concarneau.
Alors à midi, j'ai pris ma voiture, et je suis retournée dans le Finistère, pour la première fois depuis un an.
Là aussi, certains arrivés ici comme tous les jours, ou par hasard, vont hurler.
Mais pour moi, il n'est de vraie Bretagne que dans le Finistère.
Je suis amoureuse de mon coin de forêt morbihannaise, car il m'est possible de marcher 60km ou plus sans traverser une route (ou presque) et que l'agriculture intensive a ici fait moins de ravages que dans le Finistère au niveau paysages.
Mais quand je pense à la Bretagne maritime, je pense au Finistère, et même en Argoat, la Bretagne des bois, où trouve t'on des paysages rudes et sauvages, si ce n'est dans les Monts d'Arrée ou dans les Montagnes Noires?
Ici, la pinède est presque trop douce...
La plus belle plage du monde se trouve quelque part entre Kerlouan et Brignogan (Finistère nord), et la plus belle côte du monde, entre Douarnenez et la pointe du Raz.
Hormis une certaine partie du Finistère sud, que je ne citerai pas pour ne pas vexer, là bas, la mer mérite une majuscule. Le littoral n'est pas défiguré par l'urbanisation intensive...
Concarneau? Je n'aime pas la ville close... Trop de touristes. Et en octobre ce n'est plus la ville close, c'est le début de la ville morte.
De Concarneau, je n'aime que le port. Ces lignes d'immenses chalutiers industriels (dommage...), et le slipway.
Et tout au bout, presque sous le pont, en face des chantiers Piriou, une vielle dame, fatiguée, brisée, relevée, attend.
Elle attend des millions, et des bras qui la soigneront.
Elle est arrivée vendredi dernier, trainée par un remorqueur. Et les quais étaient noirs de monde, et certains devaient pleurer.
Moi, je suis restée 2h à la regarder, assise sur le bord du quai, sur des pierres pas très propres.
Un hommage.
Je n'avais pas de bonnet rouge... J'en ai un eu, avant de le perdre.
Mais je pensais très fort à cet immense bonhomme, à son profil d'aigle, à son verbe acéré, à tout ce qu'il a fait pour préserver la Terre, et la mer, du mieux qu'il a pu.
Pour lui, il fallait la sauver.
Il est mort.
Elle a coulé.
Désormais, elle est là, laissant le soleil briller sur sa ferraille rouillée, laissant l'eau baigner les plaies de ses bois vermoulus.
Des hublots, pleure la rouille.
Je ne sais pas où elle sera emmenée ensuite, je n'ai pas suivi l'affaire. Mais pour l'instant, elle va être soignée ici, à Concarneau.
Vous avez devant vous le dragueur de mine J-826, construit en 1942 pour la Royal Navy, aux chantiers de Seattle.
Grand silence... :-)
Depuis 1951 il porte un autre nom: Calypso.
Ce nom là n'est visible nulle part.
La Calypso revient de loin, de Singapour où elle sombra en 1996. Un avant avant la disparition de Cousteau.
De sombres histoires de famille, et de pognon, l'ont faite attendre une autre mort après son naufrage, 9 années passées dans le port de La Rochelle...
Désormais, elle est ici, en Bretagne, et elle est belle... belle, même dans cet état là.
Ce dimanche après midi, les curieux trainaient autour, comme moi.
Combien de fois ai je entendu: "quelle épave!"
Je n'ai pas vu d'épave. Je n'ai vu qu'un bateau meurtri, au soleil... Si une banderole n'avait pas été posée sur ses flancs personne ne l'aurait reconnue, ou presque.
Un bateau, et des rêves... Mon enfance, des images à la télé, émerveillée par la nature.
En elle survit l'Homme au bonnet rouge...
Longue vie à elle.
Dans un autre recoin du port, sur le Slipway, un autre mythe local, très local même: l'Enez Sun.
La "navette" entre Audierne et l'Ile de Sein.
Le symbole d'un rêve, qui doit ne jamais s'atteindre... (clin d'oeil à Karagar)
J'ai pris une centaine de photos de la vieille Calypso. Des détails, une atmosphère...
Je ferai un album dans les jours qui viennent.