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face au vent-avel a benn
18 septembre 2007

Avec mon tour, je positive...

Journée 2 de ma vie de forçat.
Aujourd'hui, c'était le purgatoire. Demain, l'enfer commence.
Po-si-ti-vons.

16h25. Je viens de me lever. Je me suis allongée depuis 2h, sans jamais réussir à trouver le sommeil.
Cette nuit, je vais dormir 4h, ou 5 si vraiment j'arrive à m'endormir tôt, et à me lever quand le réveil sonne.
Mais je me connais: quand je dois me lever en pleine nuit, je ne dors pas.
Et j'ai déjà discuté avec des personnes qui m'ont confirmé ne pas avoir pu dormir, malgré l'habitude et l'épuisement.
Ce matin par exemple, je me suis réveillée à 3h50. Pour partir à 5h30. Déjà toute déréglée.
Et faut se lever tôt, car on ne part pas à l'usine avec une cracotte dans le ventre!

Les paris sont ouverts:
combien de temps tiendrai je avant d'avoir un accident de voiture?
ou de tomber le nez dans ma machine?

Mais j'exagérais quand je disais que ce genre de boulot était inhumain...
Alors po-si-ti-vons.

J'ai bossé 7h45 non stop. Une coupure EDF m'a forcée à venir à 6h au lieu des 8 prévues, et demain je devrai rattraper 1/4h.
Ce sera donc 4h30- 12h45. Comme on ne finit jamais à l'heure...

Je viens de me trainer jusqu'à l'ordi, j'ai les jambes en plomb. Piétiné pendant 7h45.

Prendre une pièce, me retourner, me pencher, appuyer sur la pédale. Enlever la pièce. Me retourner. Prendre une autre pièce...
De l'alu lourd et massif, aux bords coupants qui déchirent les mains.
J'ai estimé le poids soulevé en 7h45: 3,5 tonnes.
Tout çà avec des mouvements de rotation vicelards, qui démontent le dos sans que l'on ne s'en rende compte.

Avec la fatigue, je ne me suis pas rendue compte que certaines pièces "avançaient" quand je serrai les mâchoires de la machine.
Résultat, une heure de production foutue. Mon chef n'a rien dit, mais je risque ma place car je suis là à l'essai.
çà arrive à tous m'a dit le régleur... on est tous passé par là. Et en plus les mâchoires ne sont pas adaptées a t'il fini par avouer...
Mais ici on a une cadence à respecter. Et si il manque de matière première, la commande ne pourra pas être honorée, et je vais déguster...
M'enfin, on verra bien.

J'ai du mal à tendre mes doigts. Abimés par l'alu, et gonflés par la macération continue dans l'huile de coupe pendant 7h45.
J'ai tenté d'emprunter les gants de mon collègue: on ne "sent" pas la pièce. Résultat: les erreurs viennent de là.
C'est pas humain de bosser comme çà... au risque d'exagérer.

Demain, à 4h30, je me remettrai devant le tour, et je ferai exactement le même mouvement pendant 8h. 4 tonnes à soulever.

De temps en temps, il faut enlever les copeaux d'alu de l'intérieur du tour. A la fourche.
Mouvement de rotation et d'arrachement. Mon dos me prévient: il ne tiendra pas.
Ensuite, on se penche loin au fond de la machine, et on enlève le reste à la petite pelle. En priant pour que personne n'appuie sur le bouton vert... Elle est sous tension, le programme n'est que suspendu. J'y pense, et je frissonne...
Certaines machines  plus modernes ont des tapis qui éliminent les copeaux me dit mon collègue...
Oui, çà doit être dans un autre monde.

Il est grand et costaud, et m'avoue parfois souffrir des épaules au point de ne pas pouvoir dormir "dessus". Et les jambes.. "moi, quand j'ai commencé, je ne sentais plus mes jambes" me dit il...
Moi, je ne dis rien. Je serre les dents...
En parlant de mes erreurs, il me dit "X, qui est de nuit, quand il saura çà il dira": bien fait pour lui (le patron) !! il ne fait rien pour retenir ses ouvriers qualifiés, alors il ne trouve plus personne, les nouveaux tiennent une semaine, et ils partent. On bosse avec des gens qui ne sont pas formés là dessus, c'est logique...
Et personne ne dit rien...
Faut dire "oui oui"... toujours. Sinon, si on se braque contre l'autorité, çà devient irrespirable...
Rien n'a changé. Je me souviens. Ma grand mère, ma grand tante, ouvrières. Oui oui... Heures sup non payées, courber le dos.
Ceux qui n'ont pas pu bosser à cause de la coupure électrique viendront samedi...
Samedi? je hurlerai presque! mais ils acceptent çà???
Oui...
Le régleur n'a pas pu finir de régler la machine pour l'équipe de nuit avant la coupure EDF. Et c'est de ma faute: nous avons du trier les pièces une par une... Il lui manque 30 minutes.
Alors ce soir, il va revenir, avant l'équipe de nuit, quand EDF aura tout rebranché. Et il terminera son job.
Je regarde mes pieds... C'est pas grave il me dit... Hier j'ai fait 8h-19h...
D'après ce que j'ai compris, faut éviter de se bouffer le ventre en comptant ses heures, sinon on craque...
Ouais, courber le dos...

Je vole très haut au dessus de tout çà...
Mais à m'épuiser ainsi, je risque réellement de voler très haut au dessus de tout çà.
Demain: méga angoisse: dans l'équipe du matin, personne derrière moi. Si la machine a été modifiée pendant la nuit, je vais me planter.
Mesurer les pièces au micromètre, je maitrise mal. Certains ne maitrisent jamais d'ailleurs!
Et là, autre aspect du métier: le stress.
Certains craquent. Physiquement ils sont fatigués, mais mentalement ils balisent 24h/24. Tenir la cadence, faire du bon boulot, vite, vite, vite...
Certains font des dépressions nerveuses.
On est loin de l'idée de l'ouvrier bête et idiot devant sa machine, rien dans la tête, qui rentre chez lui pour manger et dormir.
Certains se bouffent de l'intérieur...
Tout çà pour le SMIC.

Moi je vous dis: c'est inhumain.
On me répondra: oui  mééééééééééé, plein de gens l'ont fait avant toi, et faut remercier Dieu et le patron (euh, c'est pas la même chose?) de t'apporter ta bouffe dans ton assiette du soir, ton seul repas quotidien normal. (ou presque).
Les temps modernes... Rien n'a changé depuis.

Ce soir je suis raide, ma maison est en bordel, y a plus rien dans le frigo. Youpi!
Vivement demain...

Promis juré, vous n'aurez pas le récit détaillé de mes  journées tous les jours... Sinon je ne vois plus l'intérêt de ce blog. Mais là, je suis bien incapable de vous parler d'autre chose... :-)

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Commentaires
L
Mahina: oui, en effet, certains se battent pour conserver des acquis qui me font sourire...<br /> <br /> Windreiser et Dourvarc'h: paix...<br /> mais mon blog est ouvert 24h/24, vous pouvez utiliser mon espace, qui est le votre, pour débattre.<br /> :-)
W
En effet, je parle de soufisme, mais ne suis pas soufi.<br /> En effet, je parle de zen, mais je ne ne le suis pas.<br /> En effet, la sagesse est jolie dans les livres et je ne suis pas sage et je ne suis pas un livre.<br /> En effet, je suis un homme et je me fais des erreurs.<br /> <br /> Merci du message.
M
Misère...On devrait faire lire ceci à ces messieurs syndiqués qui font de la réunionite en ce moement pour garder LEUR precieux avantages pour la retraite pour cause de FATIGABILITE....<br /> Bisous
D
C'est le coup des donneurs de leçons... j'peux plus, j' supporte plus... le TON employé pour parler... ('scuse d'avoir dû utiliser ton "chez toi", chère Laouen, pour le dire - mais m'y trouvant ainsi pris à parti, de façon inattendue sur ton site...)<br /> <br /> Euh, je souhaite bon courage à tout le monde !
D
... pour répondre ICI (Je veux...) à Windreiser :<br /> <br /> Au vu de la charge d'agressivité (involontaire) dégagée dans la formulation de ta réponse, Windreiser, et puisque ma dose de fatigue post-travail (certes bien inférieure à la tienne, Laouen...) m'interdit visiblement ce soir la "sofia" d'un parfait Soufi, je vais m'é-co-no-mi-ser l'effort de répondre, cher ami...<br /> <br /> Ah, que la sagesse est jolie dans les livres... Bon, le fait est que les combats de coqs (même virtuels) m'épuisent à l'avance... Vivent les femmes !
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