Le hêtre de Ponthus
Il est des êtres inoubliables.
Il est des êtres insaisissables, mystérieux, troublants.
Il est des êtres torturés, noirs, mais pourtant aspirant à toucher la lumière.
Il est des hêtres inoubliables, insaisissables, mystérieux, troublants, torturés, noirs, et aspirant à toucher la lumière.
En fait, j'écris "des", mais je n'en ai vu qu'un hier.
A l'écart du sentier GRP tour de Brocéliande, pas très très loin de la fontaine de Barenton, monte un sentier abrupt au milieu d'une sapinière très sombre.
Je le cherche...
J'ai lu qu'il n'était pas simple à trouver, mais je le sens, il est par là. Voilà presque 30km que je marche, ou plus, je ne sais plus.
Je précise, que cet arbre est situé dans la partie privée de la forêt "privée". j'insiste sur le mot privé, mais quand on revient de Brocéliande, on est à peine traumatisé par les panneaux..
Il est donc théoriquement interdit d'aller l'admirer. Raison invoquée: des connards y gravent leurs noms sur l'écorce. Aucun balisage, aucun panneau n'indique l'arbre. Il suffit de savoir où il se situe à peu près, et d'avoir un certain sens de l 'orientation.
Voici ce que vous pouvez lire ici:
Si vous ne connaissez pas la forêt, vous n'aurez aucune chance de le trouver. Il en est pourtant un des arbres les plus merveilleux.
Juste une petite indication : il est proche de la fontaine de Barenton . Et pour le trouver, il faut savoir sortir des sentiers banalisés!
Si les êtres qui peuplent cette forêt, sont près de vous, vous aurez la chance de l'apercevoir.
Imaginez un hêtre, qui normalement ne vit qu'une ou deux centaines d'années, protégé du temps, recouvert de mousse, majestueux.
Qui peut le protéger ainsi?
Si d'aventure, vous le découvrez après une longue marche, gardez-vous de le regarder avant d'avoir repris votre souffle ou bien, il finira de vous prendre votre énergie. Par contre, si vous attendez, il vous insufflera toute sa puissance. C'est une marque de respect que d'attendre!
Respecter cet arbre et il vous le rendra. Et regardez bien autour de vous car les korrigans et fées les protègent, sont souvent cachés dans les bosquets alentours.
En lisant ceci, une journée après l'avoir découvert, j'ai souris!
Les êtres de la forêt étaient avec moi alors, et j'avais fait une longue marche. Arrivée à un endroit bien précis, j'ai été attirée par la lumière filtrant à travers les sapins, sur la droite. J'ai posé mon sac, et regardé. Puis, alors, j'ai enfin tourné la tête un peu plus à droite, et je l'ai vu.
J'ai du rester quelques minutes de l'autre côté du sentier, avant d 'oser traverser vers lui.
Il ne m'a pas pris ce qu'il me restait d'énergie, mais il m'a donné un peu de la sienne.
Qu'est ce qu'il a d'extraordinaire cet arbre?
Il pousse là où peut être aucun arbre ne pourrait survivre: au milieu de sapins bien plus hauts, mais bien plus jeunes que lui.
Recouvert de mousse, il en parait quasiment noir. Ses branches multiples se mélangent, se nouent, tels des cheveux au vent figés.
Il est réellement impressionnant. Pas forcément par sa taille quand on a vu le chêne à Guillotin, ni par son âge, bien qu'il doit être très âgé.
Certains le jugeront morbide, terrifiant, ils en auront froid dans le dos, et repartiront rapidement vers la lumière.
Je n'ai vu qu'un arbre à aimer. Un grand arbre sombre, silencieux, ramifié à l'extrème, qui touchait la lumière du bout de ses branches.
Vers le ciel, ces bras emmêlés noirs intenses se terminaient en pluie dorée.
L'arbre dort... l'arbre d'or, tout de noir à l'extérieur. Ce qu'il y a à voir, ne se lit pas sur l'évidence...
Voilà ce qui attire l'oeil, presque en haut de la côte:
Et quand on tourne la tête, on le découvre:
Face à la lumière, les branches semblent noires:
L'arbre vêtu de vert, rêve peut être au temps où il vivait en pleine lumière. Mais il en diffuse encore... Il suffit de le comprendre.
Vers le ciel, sa vie il la porte tout là haut
C'est inimaginable ce que j'ai ressenti face à cet arbre. Les légendes naissent peut être ainsi. Certains "sentent" les lieux, les arbres, les pierres... D'autres s'ennuient, sur ces chemins oubliés. D'autres s'ennuient, tout simplement, à trop s'oublier.
J'avais l'impression d'être dans un lieu de culte, et là, j'avais la foi.
En partant, j'ai salué le vieil arbre en silence.
Il impose le respect. A certains par sa noirceur. A ceux qui lisent l'écorce, qui écoutent la sève sous le bois, qui comprennent le chant des feuilles, par sa douceur.
Et l'âme perdue qui se mire dans mon objectif rayé m'a salué à sa manière, dans un festival de halos, d'artéfacts, de...
Je n'emploie pas le mot "magie" pour parler de ces lieux:
la magie est pour moi mirage, superficialité, leurre.
Tout ce qui se ressent là bas, est VRAI.