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face au vent-avel a benn
17 mars 2006

walking girl(2) Kastel Rufel

Il est des moments où on se sent perdu. Nuits sans sommeil, maladie, douleur physique (entre autre), enchaînement qui mène à l'épuisement total.
Et dans ces moments là, il est important de "vouloir" encore se retrouver.
Chez moi, dans ces moments là, il n'y a que la marche, et la marche "à l'intérieur de la marche".
Et c'est toujours vers le même endroit que je m'emmène.
Là bas, j'arrive à réveler, au moins pour un instant, la force qu'il me reste.
La seule vraie, celle qui est en moi. Besoin de savoir qu'elle existe encore.

Mercredi, j'étais au bout du rouleau, incapable de bouger, épuisée à l'extrême.
Et pourtant, le Jeudi,  je me suis levée en me disant: il faut que je marche. Là bas. Longtemps, très longtemps.
Et quand cette voix là me parle, je ne peux pas y résister. Je ne dois pas y résister.

Alors... Je marche.

Matin glacé, bonnet, gants, sac trop lourd. Je croise deux voitures qui ralentissent, j'arrive même à saisir le regard des conducteurs: mais que fait une dame, en battle dress, blouson de vélo, bonnet de vélo, sur le bitume, avec dans les mains deux trucs qui ressemblent à s'y méprendre à deux bâtons de ski?
Ben... Je marche. Et les bâtons, je ne veux pas les user sur le bitume, mais tout à l'heure....

Tout à l'heure arrive enfin: le sentier et... la boue. 100m après mes baskets ont définitivement oublié qu'elles étaient blanches à l'origine, et ne le redeviendront jamais plus. La boue noire des Montagnes noire ne pardonne pas.
Bruit de succion, je dois forcer pour ôter mon pied du sol, à chaque pas.
Les bâtons s'enfoncent, j'aurais du mettre une rondelle énorme. Je comptais tenir un bon rythme, 7km/h sur un dénivelé pareil me paraissait raisonnable, mais il faut que je me fasse une raison: ici, vu l'état du sol, tenir 6km/h relève de l'exploit.
Alors, va pour 6... Je découvre enfin à quoi servent les bâtons. Pas évident de trouver le rythme, mais c'est fou: dans les montées, je pousse, le bâton penché légèrement, haut en avant. Quelle sensation étrange: force, vitesse, puissance et... sérénité. Les bras se balancent, et je m'amuse parfois en poussée simultanée: je marche...avec mes épaules.

1h30 passées,  j'écoute la mer sur les hauteurs des carrières de Kastel Rufel... Ici, les pierres chantent, pendant que les corbeaux tournent en rond.
Y a pas la mer? Je sais... Le chant des pierres y ressemble, en plus émouvant.

Je ne suis jamais descendue dans les carrières, je les contemple d'en haut, à la limite du vide.

Le monde est bas, très bas parfois... Alors ici, dans cet endroit d'air et de lumière, je refuse de quitter la crête. Ici au moins, rester plus près du ciel.

Ici, "avant", il y avait un minuscule sentier, je vous en ai déjà  peut être parlé. Un émetteur est en construction, le sentier a été tranformé en large ruban, plus rien ne demeure. Adieu, le vieux wagon rouillé, adieu les buissons qui luttaient pour survivre.
Sur la droite, je devine l'ancien sentier.
Un matin d'Avril, il y a quelques années, un jeudi, j'ai chuté ici en vélo, lourdement, en ...montée!
Si si, c'est possible: une pierre plus grosse que les autres, je tombe sur la gauche, empetrée dans mes pédales. Une branche d'ajonc dressée me tend son extremité. Choc. Cote cassée, muscles en vrac, je remonte, pédale, termine.
Je n'ai jamais cessé le vélo, même en gémissant, il a fallu 2 mois avant que je puisse respirer.
J'avais déjà chuté, l'an d'avant, un jeudi d'Avril, la même semaine, à un  jour près, logique.
Alors... Un an après, la même semaine, un Jeudi, le même à  un jour près, j'ai repris mon vtt et je suis retournée sur ce sentier. Même pas peur.... Conjurer les dictons idiots. A la sortie du sentier, j'étais invincible...

En face de l'allée couverte, il y a un panneau, enfin, il y avait: 2 poteaux qui maintenaient un panneau gigantesque expliquant le projet de je ne sais quoi pour l'aviation.
Un ou des promeneurs (ou chasseurs brimés, ou les deux) ont détruit le panneau, il ne reste que quelques morceaux encore accrochés aux poteaux, arêtes vives, qui me narguent.
Je pose mes bâtons, m'avance...saisis  un bout survivant à deux mains, tire, arrache un énorme morceau.
Pas de sourire: geste inutile, d'impuissance.

Ces sentiers je les vis. Et chaque fois que j'y retourne, je découvre quelques mètres de plus massacrés.
ah oui! Il faut vivre, le progrès, etc...
Mais... J'en resterai là.

Je vous ai peut être aussi raconté la légende de Kastel Rufel, je recommence:

Il était une fois le seigneur du lieu, qui vivait dans un chateau, sur les hauteurs. C'était un géant. D'en haut, il avait une vue grandiose sur la lande tout autour. Il surprit un jour sa bien aimée, discutant (?) avec un homme. Fou de jalousie, il détruisi son chateau pierre par pierre, pour le jeter sur eux.
Depuis ce jour, la lande des alentours, sur 50km à la ronde, est parsemée de pierres dressées.

(quel con, mais quel con...)

De Kastel Rufel,il ne reste que quelques cailloux, et cette allée couverte, bien entendu.


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montagnesnoires_005montagnesnoires_008

Sur la lande, en plein vent, les pierres s'emmelent, se soutiennent, et jamais ne chutent...

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Commentaires
L
oui, un si beau voyage..<br /> il faut savoir entendre..<br /> <br /> Elvire: pas de quoi être désolée...<br /> pas facile de déposer son fardeau sur un écran, c'est froid, et çà ne répond pas.<br /> je voudrais être toujours là, pour écouter<br /> c'est plus important pour moi, que de parler<br /> on ne se refait pas!
E
vraiment oui, quel con ... la jalousie ça finit toujours sous un jet de pierres, et quand t'es dessous, c'est ... un vrai harcèlement avec le poids du mot harcèlement tout en entier ...<br /> <br /> je me pose trop de questions ces derniers mois, non, ces dernières années, enfin non, dans cette dernière vie ... fatigue, je cherche quelqu'un à qui déposer un peu de fardeau, désolée, ce soir, c'était toi ;-))
T
Sur ce chemin boueux, collant, ardu..<br /> <br /> Rencontrer des pierres qui se parlent en silence dans le vent.. en un chant plus émouvant que celui de l'océan..<br /> <br /> Les écouter..<br /> <br /> Un si beau voyage.
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