Rätikon. journée "plus"... jour 6 (5 sur... oui elle est finie cette journée!! :)

Comment se détacher de cette vision merveilleuse (la photo en "just this 7")?
Bonne question!
Je zoome  un peu?

Ce n'est pas "renversant", c'est "élevant" :)

Le brouillard tombe sur le refuge encore trop rempli. Trop de bruit dans la salle, et mes poches commencent à être vides, je file dehors, manger du bolinobeurk sur mon réchaud. Je m'éloigne du refuge, sur le sentier qui mène à l'Alpe, je pose mes fesses sur les cailloux du sentier, et je fais ma popote.

Arrive un couple, et sa grande fille (18 ans peut être), une blonde timide et mince qui me fait penser à BiWi, c'est assez fort! Ils ont un chien, et le retiennent car celui ci est fortement attiré par mon hachisparmentierbeurk. Rires...
Un autre homme les accompagne, vêtu d'une tenue de travail. Celui ci me salue, et me lance une tirade à laquelle je n'entrave que pouic, à part le mot "minimalist".
Je rigole... Je sors mon traditionnel "désolée je ne parle qu'un petit peu allemand", et l'homme me répond dans un français parfait, avec un accent qui n'est pas du tout suisse ou allemand.
La famille s'éloigne, je reste seule avec le gardien de vaches (il me l'a dit, j'ai pas deviné!)

Il est étonné de me trouver là, assise au beau milieu du sentier, seule, mangeant du beurk alors qu'au refuge bondé on se régale...
J'explique: la montagne, l'amour, les sommets, le silence... Dur de redescendre, trop de monde au refuge, trop de bruit...
L'envie que j'avais de dormir à la belle étoile chaque nuit, la météo trop humide, l'obligation de dormir au refuge chaque jour, alors ce besoin de me retrouver au calme, de sentir les pierres, de manger dehors.

Et çà le scie... Il me dit (et je le crois, il n'est pas là pour draguer) que je suis la première femme qu'il rencontre a raisonner ainsi. Et il me comprend, adhère totalement à ma pensée. Lui, il passe quelques mois dans une cabane un peu plus haut, sans eau, sans électricité. Seul avec ses vaches sur les pentes, et quand il ouvre la porte, il voit la montagne, et c'est merveilleux.

Je souris. Lui dit qu'un jour, celui qui était mon meilleur ami m'avait dit: "tu es née pour être bergère, mais ne le prends pas mal, c'est un compliment".
Je sais j'avais répondu...
çà gagne bien tu sais, réponds P. Moi, je me contente de peu le reste de l'année, alors ici en quelques mois je gagne assez pour vivre toute l'année.
Je rigole: j'ai des enfants, c'est trop tard pour moi.
Trop tôt répond il.. Il a 15ans de plus que moi, j'ai le temps!
Lui, il vit en Allemagne, en Bavière, il bosse ici 3 ou 4 mois, et le reste du temps il va un peu en Espagne, skier en Norvège...
Et il est Anglais.
Je rigole... Comment n'ai je pas reconnu cet accent!

Il file vers le refuge, en me disant "après ton repas, viens boire un coup à ma table!" Je promets.

Après avoir rangé ma popote, je me commande un apfelstrudel et file le manger à la table de P, où sont aussi installés le couple et sa fille, et deux autres jeunes filles. Celles ci sont des cas! Maquillées, gloussant dès qu'un mec passe, elles portaient tout à l'heure des lunettes très fashion victimes, aux verres immenses... Bruyantes, leurs gloussements résonnaient dans tout le refuge.
D'après ce que je pige, elles sont un peu paumées.. Espèrent trouver un train je ne sais où, pour aller je ne sais où.. je ne pige pas le Suisse, je n'y peux rien.

Moi, je discute avec P, qui n'en revient toujours pas. Je lui dit que je suis solitaire, mais que je fais toujours de belles rencontres lors de mes marches, des gens hors du commun (je lui raconte le couple allemand en 2007, marchant en ville avec 2 brebis en laisse, qui m'avaient amenée chez eux, sorti leur voiture, et conduit près du sentier qui menait au lac..)
P me dit: normal, tu es hors norme, tu ne peux te rapprocher que des gens hors norme.
Non, je ne me la pète pas en pensant qu'il a raison. Par "hors norme", ne voyez pas là "exceptionnelle", mais tout simplement différente. Je fais peur à beaucoup. Seuls ceux qui savent voir comprennent.
Quand je raconte mes étapes, je résume, et ne cherche pas à épater qui que ce soit. Ici, il y a des gars de la montagne, et pour les épater faudrait se lever tôt, et faire autre chose que ce que j'ai fait!
Non.. Ce qui les épate par contre, c'est que je le fasse seule. Même si pour moi c'est naturel; J'ai accepté cette solitude là, et je l'apprécie.

P ne voit que l'amour des montagnes dans mon récit. Il regarde quelques photos, et raconte. Il connait la voie pour aller sur le Dri Türm, dommage que je ne reste pas quelques jours... Là haut, il y est allé en hiver, portant ses skis. çà, pour moi, c'est épatant!
Il précise que c'est logique, lui çà fait 30 ans qu'il bosse ici, alors elles ne lui font plus peur, les montagnes du coin.

P me racontera la mort... Un gamin trainé par son père sur une pente folle, après 1 semaine de pluie continue. Le con avait cru qu'un jour de soleil allait sécher l'herbe.. Folie. Le gosse avait commencé à glisser, et quand tu glisses tu ne peux pas t'arrêter. Ils l'avaient porté dans la cabane d'un autre vacher.. Et P n'avait pas voulu enfoncer l'homme, qui continuait à dire "mais c'était sec, c'était sec"...
Il se cherchait des excuses, pas aux yeux des autres, pour lui, tu comprends, pour survivre...
Je comprenais.
La montagne, ce n'est pas parce que tu l'aimes qu'elle t'aime aussi... Je parle à P de mon ami anglais, qui m'avait dit çà lors de notre première discussion, de ses rêves... Il ira grimper sur l'Aconcagua (+ de 7000) en 2009...

Le vin blanc coule à flot, trop... La tête tourne un peu. Pas l'habitude...
P continue de me dire que c'est incroyable de rencontrer quelqu'un comme moi, et çà me gène, car je suis modeste. On peut pas l'expliquer, y a un truc énorme en toi...
Mouais... Un truc énorme, et la solitude autour de moi, celle que j'ai su aimer, c'était çà ou devenir dingue...
Je lui parle du Sulzfluh, de ce message envoyé...
P comprend.
Je lui parle de la sérénité retrouvée...
Je lui parle de la pierre ramassée sur le plateau, emportée là haut, déposée près de la croix.
Amour répond il.. Il me raconte qu'il a un jour trouvé sur un sommet une fleur, entourée d'un cercle de petits cailloux. C'était pour moi le symbole le plus religieux que j'ai vu dit il. Et je comprends...
Au sommet du Sulzfluh, quand  j'ai posé la pierre au pied de la croix, il y en avait une autre, qui n'était pas tombée là du ciel. Quelqu'un l'avait ramassée, et posée là. La prenant au sommet même, ou plus bas... J'avais souris.
Je lui montre mon triangle porte bonheur, celui ramassé en haut du Naafkopf. Et il explique à la famille suisse le symbole: les 3 côtés, les 3 frontières du sommet. Quel côté est la Suisse demande le père en rigolant?

Le vin continue de couler...
Nous jouons aux cartes, et naturellement je ne pige rien, on explique en suisse à P qui me traduit en français.
C'est un jeu tout simple, mais je me fais avoir à la première partie.
Le perdant doit jouer toute la partie suivante en portant la casquette verte de la jeune fille, et une paire de lunettes cassée d'une des deux filles gloussantes. :)
J'assume avec bonheur!

Me voici avec P:

Par la suite, P buvant plus que moi, il va perdre, et je vais gagner quelques parties. Nous hurlons de rire bien souvent...

C'est la dernière nuit.. Demain soir je serai à Malbun, où j'espère dormir dans ma voiture, alors je vais rester là jusqu'à 22h, extinction des feux!
Je ne sais pas encore qu'il y aura  une nuit bonus au Liechtenstein!
Le temps passe, tiède, et alcoolisé...

P me dit un truc qui pourrait me faire très mal, si je n'avais pas pris "de la hauteur": il me dit "tu souris quand tu regardes cette famille et ces filles heureuses, rire..." Et je comprends  ce qu'il veut dire par là.
J'explique: oui, çà me rend heureuse de les voir heureux. Sans jalousie. Je suis seule, mais le bonheur des autres me rend heureuse.

22h. Il faut y aller. P me dit "à demain, quand tu vas grimper vers Öfapass, tu vas passer devant chez moi!".
La tête tourne, je n'aurais pas du boire (1/2l c'est déjà trop pour moi). Je grimpe vers le dortoir.
Damned!
C'est tout noir! Ils sont tous au lit! (dortoir de 28)
Je n'ai pas pris ma frontale tout à  l'heure, ne pensant pas rentrer lors du "couvre feu". Pour tout vous expliquer, ce dortoir est très ancien. Les lits sont sous la pente du toit (attention la tête). Le mien est en plus à côté d'un poteau de pierre qui soutient tout le toit.
Devant le lit, un coffre de bois où tu ranges tes affaires.
Pour entrer dans ton lit, il te faut enjamber le coffre, et ramper, en fait tu descends dans ton lit. Ne pas s'assoir brusquement sinon tu t'assommes.
Oui mais... Il fait noir!
Comment retrouver mon lit, dans un dortoir de 28? Dans un dortoir de 8 c'est simple: 4 en bas 4 en haut. Là, c'est 14 alignés de chaque côté!
Je commence à me demander si je ne vais pas restée plantée au milieu toute la nuit... J'avance en tatonnant, me prenant la tête dans le  linge qui sèche, cherchant le poteau que je ne trouverai pas vu qu'il y a les coffres devant.
Je me souviens avoir posé mon sac à dos sur le coffre, alors je passe les mains le long des coffres, tatant les sacs. Celui ci est trop petit, là il n'y a rien, zut un sac en plastique çà fait du bruit, ahhhhhhhh mon sac! Je le reconnais au cliquetis des mousquetons et à la corde sur un côté. Mon sac prend tout le coffre, je me faufile, me vautre, me met sous les couvertures, et attend que la Terre s'arrête de tourner.
ah, non, c'était ma tête...
arghhh, je vais le payer! :)

Oui,  ce jour 6 est enfin terminé! :) reposez vous, je ne taperai rien avant demain!

Comments

[CeliaK]

J'ai croisé sur les pentes du Web La....Laouenus grimpatus...
de plus en plus haut . ;-)
coucou Laouen

[Bruno]

Ces souvenirs de montagne me vont droit au coeur. Comme d'autres, j'attends avec une certaine impatience la suite. Mon ancêtre est venu en Lorraine, depuis le Montafoner Tal il y a 300 ans. J'espère bien y retourner un jour, mais je ne monterai pas aussi haut que toi, pour sûr.

[melusine]

vite..
la suite!!!:)

[laouen]

NOTE A TOUS MES LECTEURS:
CE N'EST PAS LE VIN BLANC QUI M'A DONNE DES COULEURS MAIS UN ENORME COUP DE SOLEIL.
Réel (je pèle encore, c'est atroce)
le vin blanc n'a fait qu'allumer un peu plus mon nez déjà brûlé.
Qu'on se le dise!
:D
noméo!
mon honneur!
:)

[Jipes]

Ah le vin blanc t'as donné de jolies couleurs :o)