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face au vent-avel a benn
21 avril 2008

Himmel (3)

Bon.. faut que je m'y colle! :)
Pas le courage!
Sur Canalblog, il faut des heures pour poster des photos. Et des photos, j'en ai des tonnes!
Il est absolument impossible de vous raconter ce que j'ai fait là bas sans vous montrer les photos correspondantes.
Où en étais je?

A la route!
La frontière était comme un grand souffle d'air, et j'étais heureuse de dépenser 30€ pour coller une jolie vignette jaune sur mon pare brise.
Comment, c'est cher?
Meuh non! Vous pouvez rouler un an, 24h/24 si vous le voulez, sur les autoroutes suisses avec çà!
D'ailleurs... La Suisse et le Liechtenstein sont les pays les plus chers d'Europe, et l'essence y est moins chère que dans le moins cher des supermarchés français, même dans la plus minuscule station service!
Le gasoil y est d'ailleurs plus cher que l'essence.

J'ai traversé Zurich, m'y suis encore une fois perdue... Promis juré, ce sera la dernière, maintenant j'ai pigé!
Tu veux aller à Chur, faut surtout pas suivre le panneau Chur
:)
Vive la Suisse!

Arrivée à Vaduz vers 0h15 j'ai fait ma première visite à ... ma banque préférée!
Ben vi... J'étais partie sans argent (50 euros), et il me fallait du joli pognon suisse, celui qui n'a soit disant pas d'odeur, mais que tout le monde envie.
Ensuite, j'ai conduit jusqu'à Malbun, sur ces 16km de zigzags en épingles, avec des pentes hallucinantes.
Ma voiture a retrouvé le parking, j'ai entassé mes sacs sur les sièges, et je me suis recroquevillée sur la banquette arrière, dans mon sac de couchage.
Brrrrrr.. Mégaglagla!

Nuit très très courte. Va dormir avec les jambes repliées, sur une banquette étroite!
Vous me direz: si j'avais une Porsche ce serait encore pire non?
Comment? J'aurais du fric pour me payer l'hotel?
Ah oui, vous avez raison!
D'ailleurs, j'ai calculé: imaginez que j''achète une vieille BMW, comme celle que j'avais quand j'étais mariée. Je pourrais dormir dedans sans problèmes (c'était un break) mais avec le fric que je dépenserais en plus en gasoil, çà me reviendrait moins cher de dormir à l'AJ tous les soirs!
M'enfin, à minuit et demi, l'AJ est fermée. Je devais y arriver à 17h, pas à minuit!

Qu'importe, demain je dormirai à Pfälzer Hütte. Le refuge est fermé, mais il y a une pièce ouverte pour  les skieurs de rando.
Je ne doute de rien...

Au matin, j'ai du mal à mettre le nez hors du sac. C'est vraiment mégaglagla!
Je n'ai quasiment pas dormi, quasiment rien mangé de la journée la veille, et ce n'est pas ce matin que je mangerai, ou que je boirai chaud. Pas faim, je me force un peu, mais çà ne passe pas vraiment.
Je veux grimper!

Le temps est divin. Il faut entre 3 et 4h pour aller au refuge en été, je compte 6h avec la neige.
Là haut je vais m'assoir face au Naafkopf, et méditer pendant tout le reste de la journée, et du matin suivant, sans bouger.

Je voudrais m'arrêter à l'office du tourisme, pour demander quels sont les risques. Mais c'est fermé le dimanche, d'ailleurs Malbun est un village fantôme, la station a fermé il y a une semaine.
Après un rapide tour d'horizon,  je décide d'emprunter le chemin des crêtes, car la grimpette par  Täli Höhe est impossible:  le sentier zigzague à même la pente, et la pente est recouverte de neige, il n'y a donc plus du tout de  sentier, et de belles traces d'avalanches.
Sur les crêtes, çà doit être plus simple, et moins dangereux.

J'ai fait mon sac à dos, il est très lourd. Pourquoi?
Parce que j'envisage le pire: me retrouver bloquée là haut  pour 3 jours (le temps sera mauvais lundi et mardi) j'ai donc emporté des vetements chauds, du gaz en rab (on ne sait jamais), de la bouffe pour 3 jours. Et avec ce froid, il faut manger!
Et de la boisson énergétique, car chaque mètre compte triple  ici, voire même plus, vu le froid et la pente.

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La grimpette vers Sareis est un calvaire. Je n'ai pas de forces, je me traine, le sac m'handicape un max car il me tire vers le bas alors que je file vers le haut.
J'arrive près de la station exténuée, mais heureuse. Sur  ma droite, la ligne de crête. Vers l'Augstenberg, un enfer de pierre, et ensuite la terrible descente vers le refuge.

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Mais avant...
Il y a la crête!
Et là, je tombe des nues... Conne que je suis!
Je croyais que ce serait plat (enfin, pas de dévers) mais non. Il n'y a pas de plat. La crête est un long chemin en dévers, et quel dévers!
Les murs d'avalanche sont remplis, la pente est dangereuse.
Je dois marcher dans le dévers, car sur la gauche, çà semble plus plat, mais en fait la neige ne repose que sur le vide. Vous comprendrez avec les photos. Un pied là dessus, et vous tombez en Autriche, 800m plus bas, avec des rochers énormes en prime.
Sur la droite, c'est le dévers totalement gelé, et si je glisse, c'est "Malbun direct", 500m plus bas.
C'est si beau... çà vous cloue sur place un spectacle pareil.
Et çà vous emporte ensuite, direct vers le vertical.

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Sans le sac, ce serait plus simple, mais ce satané sac me tire vers la pente, et je titube comme une femme ivre à chaque pas, me fraise la gu**le, peine pour me redresser. Dingue... Simplement se mettre debout demande des efforts terribles, et surtout: REFLECHIR.
Sinon, c'est le plouf plus bas.

Au début, c'est simple, je n'ai absolument  pas peur. J'ai chaussé mes raquettes, elles ont des crampons.
Peu à peu, la ligne de crêtes se rétrécit, et le dévers s'accentue.
J'avance vers le Spitz (2180m environ), devant moi l'Augstenberg recule.

Les panneaux sont fixés sur des poteaux de plus de 2m, vous voyez ce qu'il en reste? :)

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J'avance...
Funambule.
Vous le voyez, le dévers?
:-)

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Et là, je finis par comprendre que je ne peux pas aller plus loin.
Pas avec mon sac.
Et sans sac, pas de refuge...
Et sans refuge, il me faudrait redescendre aujourd'hui.
Avec des skis c'est rapide, à  pieds, c'est encore 6h de plus.

Alors Laouen est une bonne fille, elle l'a juré à son ami anglais, qui lui, est un grimpeur expérimenté, et qui connait la neige d'avril, celle qui tue aussi vite qu'une balle de mitraillette...
Tu es au paradis, tu avances, et soudain tu entends un grondement sourd.
Trop tard, tu es dans le grondement sourd, et il t'emporte, même si tu as 20 ans de ski derrière toi, même si tu es né sur  les pentes.
Elle est plus forte que toi!
Faut penser, à chaque pas. Poser son pied ici, taper avec le coté de la raquette, pour tenter de faire un léger "plat" sur le dévers.
Les chevilles se tordent, l'épuisement gagne.
Je renonce. Le désespoir m'envahit, mais j'espère encore: demain je ne marcherai pas (météo) mais je trouverai la voie, dans la semaine.
pfffff...

Je mets un "temps certain" à faire demi tour. C'est çà ou un aller direct pour le ciel!
Et, partagée entre désespoir et sérénité (si c'est possible!) je mets mes raquettes dans  mes traces de raquettes, me tordant l'autre cheville à chaque pas.
A cet instant, je ne vous dis pas les sentiments étranges qui m'envahissent..
Je me sens toute petite, et en même temps très grande: car j'ai su dire non à ce qui me bouffait les tripes.
Je suis fière, quelque part, à  l'intérieur...

Sur cette photo vous allez comprendre ce que je voulais dire en parlant de neige en suspend sur rien. marcher là dessus, c'est trop dangereux!

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Comme une conne, je vais tenter de "couper". Je me retrouve contre les murs d'avalanches, où chaque mètre demande plusieurs minutes. Sans mentir!
Là, le découragement me prend, me reprend, me terrasse. Je n'en vois pas la fin.
Encore quelques mètres,  avant de rejoindre un sentier plus plat, mais je n'y arrive pas!
Je dois m'arrêter, le coeur bat trop vite. Stopper plusieurs fois, longtemps, sur seulement quelques mètres!
C'est ce qu'on appelle "taper dans le mur" (d'avalanches cette fois!) , c'est à dire l'hypoglycémie grave, à  la limite du malaise. D'ailleurs, la limite est passée. J'arrive à rejoindre le sentier, où je m'affale sur une pierre, tentant de récupérer.
Je pense que c'est plus le fait de renoncer à un rêve qui m'a autant mis KO, qu'un réel manque. Mais c'est vrai, je n'ai dormi que 3h entre vendredi et samedi, roulé samedi entre 5h du mat et 1h du mat dimanche, "dormi" 3h dans ma caisse, et rien bouffé de réel depuis... jeudi , ou pire.
Tu parles d'une conne! J'étais trop perturbée.
Mais je me connais, c'est le premier jour. çà ira beaucoup mieux bientôt; Pendant ces jours de marche, je ne mange que très  peu, je perds du poids, mais chaque jour me rend plus forte physiquement et moralement.
Vive  le monde occidental!
Tu bouffes, tu te ramollis...

J'attaque la longue descente vers Malbun. En bas, je vois un homme qui regarde, depuis des heures. Il finit par partir.
Je ne sais pas encore que nous grimperons ensemble jusqu'à Sareis mardi. Etrange rencontre, avec quelqu'un qui a un vécu énorme...
Ma vie, à côté, c'est vraiment un long fleuve tranquille...
Je vais m'assoir en plein soleil, face à la ligne des crêtes, regarder à m'en bruler les yeux ces sommets que je n'ai pas atteint.
Grignoter un peu, penser, beaucoup.

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Il se fait tard, j'ai besoin de me noyer sous une douche chaude, de m'étendre sur un lit, alors je redescends vers Malbun.
Et la nature me fait un cadeau.
Sur ma gauche, dans le jardin de la première maison, deux arbres: un sapin, et un hêtre. Je vois un écureuil noir traverser la piste, grimper dans le sapin, puis sauter dans le hêtre quand je m'approche.
Il me regarde, je le regarde...
Il est mon premier cadeau, enfin, c'est ce que je pense. Mais...
Mon premier cadeau, je me le suis offert moi même tout à l'heure en disant "non".
L'écureuil me regarde, et me dit : ne soit pas déçue, tu es là, en vie, tu es une bonne fille...

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J'ai tant à apprendre.
Je vais tant apprendre cette semaine!
Et pas uniquement sur la montagne, oh çà non...

Merci

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Commentaires
C
Merci de nous avoir fait partager cette magnifique aventure!<br /> <br /> Je suis très impressionnée... comme si tu avais atteint la frontière de quelque chose, un inconnu qui me dépasse.<br /> <br /> Bises
J
Oui je ne sais quoi écrire alors je profite juste de ton récit et de ton petit bout de ciel que tu nous as ramené Merci !
P
Bonjour,<br /> Magnifiques toutes ces photos<br /> Je découvre ton Blog super sympa, bravo,merci de la balade... <br /> Amitiés
C
Eh bien, deux choses :<br /> Je n'ai jamais dormi la nuit en voiture, mais si je devais le faire, je le ferais en baissant au maximum le dossier du siège passager (presque à plat). Cela m'est arrivé de faire ainsi la sieste à l'occasion d'un halte routière.<br /> <br /> Tes photos sont formidables. Elles sont aussi bien que des cartes postes. Non, elles sont beaucoup mieux. Ça donne envie.
L
Mais c'est moi Alf qui te remercie de passer me lire
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