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face au vent-avel a benn
10 avril 2007

Westweg 4: jusqu'à frôler le Feldberg...

Petit matin glacé, sous le soleil. L'herbe est gelée, mais le soleil s'est installé.
Etonnante cette météo folle.

J'ai toujours aussi mal aux pieds. Le matin, j'arrive à tenir 1h30 correctement, et le calvaire recommence, avec une intensité grandissante.
J'adore les petits matins glacés, l'herbe qui crisse sous les chaussures.
Je profite de chaque pas.
Ce matin, je vais perdre quelque chose qui m'est cher: mon bonnet polaire, souvenir des championnats nationaux de cyclocross du Touquet en janvier 2006. Il est moche, mais très pratique, peut servir de tour de cou, se resserre sur le dessus.
Et surtout, il tient chaud la nuit!!!

Une pente folle, un champ à galoper, j'ai accéléré l'allure. Sur le ventre, j'ai un petit sac qui me sert à mettre mes cartes topo, et 2 ou 3 barres de céréales.
Un sac de 65litres c'est bien, mais çà écrase les poches dorsales de la veste, impossible donc d'y glisser barres ou cartes.
Et aller les chercher dans le sac à chaque fois, non merci!! J'ai une petite poche sur la sangle ventrale du sac, trop petite pour les cartes. Mon petit sac en travers de la poitrine ne pèse rien et me rend 1000 services.
Mais j'y avais glissé mon bonnet trop rapidement. En dévalant la pente, le sac a du balloter un peu trop, et hop le bonnet...

Je sais où il est. Peut être y sera t'il toujours, accroché quelque part par un promeneur. Quand je reviendrai? Car je reviendrai, oh oui... J'ai vu sur le sentier des gants posés bien en évidence, attendant le retour de leurs proprios...
Un jour, peut être...
En octobre 2005 c'est une petite boucle d'oreille en or en forme de coeur que j'avais perdu près du lac. Un symbole qui m'avait fait sourire.

Le sentier, jusqu'à Hinterzarten, a tendance à longer de manière plus ou moins proche une grande route qui file vers le Sud.
Bruit plus ou moins étouffé des voitures, et lumière...

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Ferme typique.

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Côté pieds, çà chauffe...
Je décide de les plonger dans la neige, encore présente par endroits. çà calme un moment, mais pas longtemps. Je vais en être réduite à le faire régulièrement je crois bien... Je porte des chaussures Goretex, et je mouille volontairement mes pieds, c'est plutôt amusant.
Aujourd'hui, j'ai abandonné les "chaussettes doubles spécial trek", invention soit disant anti ampoules car le frottement se fait entre les deux chaussettes.
J'ai remis mes chaussettes fines en coolmax, celles que j'utilise pour le vélo. Ce ne sera pas mieux, mais pas pire non plus. Au moins, j'aurais le pied qui respirera mieux.

Je finis par me trainer jusqu'à Hinterzarten.
Parenthèse tourisme:
Hinterzarten est la ville la plus chic de la Forêt Noire, voire même d'Allemagne? Peut être...
Station de ski. Hiver, et été. Connue pour ses chalets dignes de palais, son ambiance très haute bourgeoisie... Des hôtels palaces, des clients d'un chic fou, en voitures de classe...
Connue aussi dans le monde du sport pour sa piste de saut à ski hiver/été, avec compétitions organisées l'été.
Tremplin jusqu'à 115m. Les meilleurs sauteurs du monde s'y défient.
En octobre 2005 je m'étais assise sur un "banc" de départ, sur le haut de la piste de saut à ski de Bad Griesbach, très très pentue, mais bien moins renommée! Terrifiant, et en même temps dangereusement attirant... D'ailleurs, si je vais là bas cet été...
Laouen? tu te sens bien?
Oui oui... j'assume ma zinzinerie merci. Sur les fesses, n'importe comment, mais descendre çà, hmmm...

Ici, à Adlerschanze, je ne m'y essaierai pas: du bas, on voit à peine le haut du tremplin!!
J'ai vu une vidéo, d'une jeune fille de 14ans, sauter là dessus en plein été, survoler les prés fleuris, sembler atterrir sur le village, et enfin se poser.. Fou.
Il y a de nombreux tremplins, du plus grand pour les champions, aux tremplins de l'école de saut.

Quelques photos:
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Le joli clocher de Hinterzarten, avec en fond, les grands tremplins. On a vraiment l'impression que le skieur va se poser sur le toit des chalets.

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Adler Station.
La prise de vue écrase totalement la pente. Je vous assure: même du bas vos jambes font des 8 tant vous tremblez!!!

Pas le temps de trainer à Hinterzarten... Il est encore tôt, j'ai 13km à faire. Jusqu'au sommet. Plus le retour vers la plaine. 18 à peu près.
Enfin, je crois que je vais les faire.
2 choix:

Aller au Feldberg par le Westweg côté Sud, en longeant le Titisee. Je m'y refuse. Hinterzarten m'a suffit, pas envie de continuer dans l'industrie touristique. "Trop d'argent à Hinterzarten" m'avait dit l'hôtelier hier soir... Traduction polie de "çà pue un peu là bas"...

Le Westweg version forêt, par le sublime Emil Thoma Weg. Plus long, mais plus plus.
Dès la sortie de Hinterzarten, je plonge dans le féérique.
Je croise une vieille dame qui retourne à la ville, nous échangeons quelques mots. Moi aussi j'ai pris le Westweg dans le temps, je suis allée en Suisse me dit elle... Mais le sac à dos, c'est si lourd, bonne route...

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Clairière

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Glisser dans le silence émouvant de la lumière...

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Ferme, petit hameau de Häuslebauenrhof. Hameau? non, rêve perdu dans la montagne.

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Bon ok, le transfo avant le chalet, c'est hideux. Mais ces gens là ont besoin d'électricité!

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J'aurais bien dormi là... Mais ce n'est pas une Hütte. D'ailleurs, çà devient angoissant: ici, rien que de rarissimes cabanes privées, et pas un seul endroit pour poser son sac de couchage...

Je tourne la tête vers la gauche, et je le vois:

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Le Feldberg. En fait, le massif aligne le Feldberg 1493m à droite, et le Seebuck son frère avec qui on le confond, 1448m à gauche, car la  piste de ski alpin de Feldberg se trouve sur le Seebuck, et non sur le Feldberg.
2 réflexions:

1) c'est boooooo
2) c'est loiiiiiiiin (couic bizarre dans la gorge).
Pour monter vers le Feldberg, le sentier descend, logique. Quand j'atteins la rivière, je comprends que désormais cela va devenir sérieux.

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Je suis sur la face Nord du massif, et la neige refait son apparition. Et pas gelée du tout la neige.. Bien fraiche, à s'y enfoncer.

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Je m'en rendrais compte plus tard: en haut du Mont, peu de neige, ou carrément très peu au Feldberg. Sur les pistes, 30cm entretenus.
Mais sur le côté Nord du Seebuck, marcher devient difficile.

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Je rappelle que je n'ai que des chaussures, pas de raquettes. D'ailleurs, marcher sur un sentier parfois très accidenté en raquettes, impossible!
Pas de crampons non plus. Je m'enfonce. Je m'arrête sur les hauteurs qui surplombent le Feldsee, lac de montagne encaissé, entouré de roches plates immenses et dressées, impossible à expliquer sans photo. Je ne m'approche pas du bord, car avec la neige JE NE SAIS PAS OU EST LE BORD!!!
Traduction: où est la différence entre la neige qui recouvre la terre, et celle à  même la pente qui devient verticale. 200m d'à pic environ.
Je mets mes guêtres, pour protéger le haut de mes chaussures de l'entrée de neige, et le bas de mes jambes. Elles montent presque jusqu'aux genoux.

Ce qui est parfois impressionnant, c'est qu'à cet endroit le sentier qui mène vers les hauteurs est très tortueux, contournant des obstacles infranchissables, zigzaguant partout. Et il n'y a que très très peu de balises!! Il faut donc suivre le sentier. Et le sentier, est uniformément recouvert de neige, comme TOUT CE QUI  N'EST PAS LE SENTIER.
Bref, je me contente de suivre les traces de pas de ceux qui se sont enneigés ici avant moi.
Parfois, la neige devient épaisse, et quand il faut grimper, je dois tasser avec le pied pour créer une sorte d'escalier. Sans le sac à dos, ce serait plus rapide, car çà modifie l'équilibre ce poids..
Marcher dans la neige uniforme, c'est lent, fatiguant, mais régulier. On sait par exemple que l'on va s'enfoncer de 25cm à chaque pas, aucune surprise.
Mais là, on n'a aucune idée de la profondeur, ni de l'état de la neige qui varie à chaque centimètre. Parfois elle est dure, "elle porte", parfois je m'enfonce des deux pieds de 30cm, parfois d'un seul (aïe bobo les articulations), et parfois... je plonge.

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Il est où le sentier svp?

En terrain dégagé, on voit le but à atteindre. Et encore, on peut avoir des surprises et penser que la pente est continue jusqu'en haut, alors qu'on se retrouve face à un gouffre infranchissable.
Mais en forêt, on tourne, on vire, va te repérer dans les sapins...
Je suis les traces.
Et soudain, plus de sapins, j'arrive face à la pente Nord du Seebuck:

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Vous remarquerez que je ne vous parle plus de mes pieds?
Dans la neige fraiche, ils se comportent comme ils peuvent, mais plutôt vaillamment, la douleur est atténuée.

Face à cette image, je me pose soudain la question la plus importante que je ne me suis jamais posée lors de cette semaine.
Avancer, ou faire demi tour?
Marcher sur cette neige là, c'est avancer avec concentration, lentement, le plus régulièrement possible, en soufflant bien sous l'effort.
C'est long...
La photo est trompeuse (la neige semble porter là), l'image réelle aussi, mais je suis lucide: le sommet du Seebuck est loin encore. 2km ou 2k500, qui dans ces conditions risquent de durer plus d'une heure.
Car je n'ai aucune idée de ce qui m'attend au mètre plus loin.
Ni après la descente, car il faut encore descendre, pour tout remonter. J'avance encore:

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Photo zoomée: c'est encore loin, et la couche de neige est très épaisse.
Je n'ai aucune idée de ce qui m'attend là haut, ce n'est pas ma carte topo qui me le dira. Je sais la pente, 20% certainement, la distance, mais çà ne veut rien dire! Un kilomètre, deux kilomètres, c'est quoi? En été, j'aurais déjà fait 10 fois l'aller retour en haut!
J'ai rêvé de dormir ici, enfin non, de poser mes fesses là haut, et d'attendre le soleil du matin, toute la nuit.
Le Feldberg m'appelle très fort...
Mais ce que j'ai en face de moi c'est le Seebuck, encore 1.5km jusqu'au Felberg après.
Des abris là haut? Non, bien sûr!
Station météo, émetteurs, "feu"... Mais un abri, un renfoncement quelconque pour y passer la nuit? Je n'en sais rien, et je ne vois pas pourquoi il y en aurait un.

Non... Je me sens soudain terriblement calme...
Cette idée là, je la vivrai. En été.
Risquer, c'est être libre, risquer c'est vivre. Risquer, en montagne, c'est aussi mourir.
Ce soir, car le soir tombe, je sais qu'il me faut renoncer.
Renoncer au Feldberg, et au Seebuck, il est tard.

Je repense à un commentaire sur mon blog, que je n'ai jamais retrouvé. Il me parlait de courage.
Le courage de l'alpiniste qui renonce à 50m du sommet, et redescend.
Renoncer est un mot mal choisi: disons qu'il ne renonce pas, qu'il dit au contraire "oui à la vie", et redescend.
Il repartira vers le sommet. Un jour, un autre, ou pas.
C'est çà le courage. Aller vers son but en le  payant de sa vie ce n'est pas du courage. C'est du nawak comme disent les djeun's.
Aller au bout de son rêve? Et parfois ce rêve vous emmène au bout de votre vie.

Je ne suis pas une alpiniste, ni même une montagnarde pur sang. C'est ma première rando en terrain "hostile" :-))) Et ce n'est qu'un sommet de 1500m!! Et un sommet civilisé, avec une piste de ski!!!
Ou bien: c'est déjà un sommet de 1500m... Balayé par un vent de Nord Est constant.
Je ne connais rien à la neige, je n'ai jamais fait qu'un peu de ski de fond, tout ce que je sais sur la marche dans la neige c'est ce que je viens d'apprendre en 2jours de rando!
Tout à  l'heure, j'ai plongé parfois bien plus haut que mes guêtres. C'est épuisant pour ressortir, dangereux quand on est seul, on peut se péter une jambe facile, avec le poids du sac, le déséquilibre..

Si je grimpe là haut, j'aurais le temps d'y arriver avant la nuit, mais je n'aurais pas le temps de profiter de la vue, de faire l'aller retour au Feldberg avant la nuit.
Si je passe la nuit là haut, sans tente, sans abri...

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photo fortement zoomée.
Le soleil est éblouissant. Je regarde le sommet du Seebuck, et je fais demi tour. Il m'attendra... Je l'attendrai. Demain.
J'ai repéré plus bas l'embranchement du Felserweg, sentier qui contourne le Feldsee par l'Ouest, et débouche en bas de la station de ski.
Je ne suis qu'à 3km du bas, le soleil décline, mais çà tiendra.

Ce qui me désole, c'est qu'il n'y a vraiment aucune cabane de bois dans les environs. Je vais devoir encore dormir dans une chambre!
Même en marchant des heures, je ne trouverais pas de Hütte. Ici, tout est prévu pour ramener le touriste vers un hôtel, une auberge, une pension...
Et la station est ouverte, çà doit donner au niveau prix!!
Chaque chose en son temps, pour l'instant: descendre.

Je redescend, le pas plus léger, sereine. Je suis mes propres pas jusqu'au croisement. Demain, je partirai tôt, et je monterai enfin là haut. Et tant pis si je vais devoir courcircuiter le chemin du retour, prendre un peu le train pour être au lac avant de repartir en France, car j'y retournerai au lac, c'est sûr, avant dimanche.

Chaque pas est une découverte: tiendra, tiendra pas, s'enfoncera un peu, beaucoup?
Je souris en voyant les traces qui s'enfoncent plus que les miennes. Je commence à acquérir une certaine maitrise, je "devine".
La couleur de la neige, son aspect, rien ne change, mais en réfléchissant un peu on "sent" là où on va plonger salement, et où l'on va simplement s'enfoncer "un peu".

Mais parfois, je plonge...
Mi cuisse. Que d'une jambe. çà déstabilise énormément!! Mais c'est une chance, car il me reste une deuxième jambe.
J'attaque le Feldserweg, qui se révèle être un vrai enfer.
Ici, point de balisage!!! Je dois suivre le sentier, et le sentier n'existe plus, impossible de le deviner.
Je me contente de regarder ces traces de pas: un être humain, un seul, est passé par là depuis le 24 mars, date de la dernière chute de neige. wow.. Et si il s'était perdu???
Ne pas y penser, concentration, avancer, plonger, ressortir.

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Début du Feldserweg.

Soudain, sur la gauche, je découvre le Feldsee, vision hallucinante, et je sais pourquoi:

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Photo fortement zoomée.
Pourquoi j'hallucine?
Parce que je le savais, rien qu'en regardant la carte:
Il est noir, il est rond, il est très fortement enfoncé entre un mur circulaire de sapins et de roches, c'est le grand frère du Glaswaldsee. J'ai relié les deux lacs à pieds. Cette vision, c'est la copie de celle que je vois sur le sentier qui descend vers le Glaswaldsee, la neige en plus.
Mais...

Mais... Pas le temps de méditer.
Il se fait tard, vraiment tard. Ici, plus de soleil depuis longtemps.
Car je marche à même la pente, dans le dévers, et çà va durer pendant un kilomètre et demi. Le soleil est derrière la pente.
En temps "normal", le sentier doit mesurer 20cm (vu l'espacement de certains arbres entre lesquels je marche, taillé horizontalement sur la pente pure. Bref, pas évident à expliquer. Imaginez une pente, vue en coupe. à mi pente, faites un petit trait horizontal, c'est le sentier.
Mais... Il y a BEAUCOUP DE NEIGE.
Donc, en fait, les 20cm de sentier sont recouverts par une couche importante de neige, ce qui les transforme à  nouveau en pente.
Je ne sais donc jamais si je marche sur le sentier recouvert, ou sur le vide couvert de neige accrochée aux arbustes!!
Je suis la trace de pas.

Et je plonge...
Mes bâtons mesurent 1m15 de hauteur.
Regardez, je ne l'ai pas enfoncé jusqu'au bout pour pouvoir le ressortir:

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Il m'arrive 2 fois de plonger quasiment jusqu'à l'entrejambe. Comment faire pour ressortir?
Tirer bêtement? pfff.. essayez, c'est impossible.
Tout d'abord, ne pas paniquer.
Ensuite, repérer tout ce qui peut servir de point d'appui.
Car s'appuyer avec les mains, c'est s'enfoncer, logique!!
Alors je m'aide des avants bras, de mon autre jambe, que je plie pour tenter de faire appui, et si une faible branche d'arbre est à côté, je la saisis vigoureusement.
Les bâtons ne servent à rien sur ce type de parcours, car  je n'ai pas de rondelle à neige, juste une pointe.
En fait, ils me servent à tester la profondeur de la neige, comme une sonde.

Quand j'ai repris mon souffle, et testé un appui, je tire. Mais attention!! Il faut tirer dans l'angle où la jambe a pénétré dans la neige!!
Sinon elle ne bougera pas d'un poil, risquera peut être de se faire un mégabobo.
Je tire, en espérant ressortir la chaussure, si elle restait coincée 1m plus bas ce serait le bouquet.
Chaque pas est éprouvant, mais je n'ai pas du tout l 'impression de "lutter contre les éléments" (voir une des notes plus haut).
Je ne ferais pas le poids...
Je me contente d'assumer du mieux que je peux, et surtout, j'observe chaque centimètre de "sentier", et tout ce qu'il y a autour.
Car le sentier me semble tourner en rond, il n'en finit pas. Toujours aucun balisage. La lumière décline lentement.

Jamais je ne vais paniquer une seule seconde. Gravement, je vais avancer d'un pas après l'autre, en faisant mentalement le point, et en observant chaque rocher, chaque arbre.
Car je commence à envisager la possibilité d'être coincée par la nuit ici. Voire même d'être perdue.
Un rocher, un sapin, çà  peut faire un abri. Ridicule, mais mieux qu'enfoncée dans 1m de neige non?
Lucide, je réfléchis à tout. Le réchaud, la neige à fondre, jusqu'à ce que le gaz me lâche. Boire tiède, et ne pas dormir, surtout ne pas dormir... Le plastique, le matelas en isolant, le sac, la couverture de survie, gratter la neige pour faire un "igloo", casser des branches d'arbre pour m'isoler si je trouve un recoin sous un rocher... Pas de peur, je suis mentalement prête.

Je croise une cascade gelée. Un regard admirateur... Je ne sortirai pas mon appareil photo, chaque minute compte.
Les traces continuent, et la pente se confirme, çà descend.
Toute notion de distance est abolie, je ne sais plus depuis combien de temps je marche sur le Feldserweg (pas très longtemps en fait), et même si je le savais...
C'est si long de faire un mètre!
C'est ce qui rend ce kilomètre et demi interminable, qui donne l'impression de marcher pendant 3h alors qu'une heure a du s'écouler, pas plus. Je ne me sens pas fatiguée, je ne pense plus à mes pieds.

La neige, les sapins, la neige et les sapins, et soudain...
Brutalement, sans prévenir du tout, plus de sapins. Je n'ai rien vu venir.
J'en perds la vue tant la lumière est vive.

Sur le dernier arbre, à gauche, un panneau annonçant l'entrée (ou la sortie pour moi!) du Feldserweg, et une précision qui me donne un immense sourire:
"impraticable en hiver", dangereux etc...

Sur ma joue droite, le soleil chauffe encore...
Ici, il n'a pas disparu derrière la pente, car je suis sur la pente.
Je viens de déboucher en pleine piste de ski alpin, au milieu de la pente du Seebuck. Une machine remonte lentement pour refaire les pistes à neuf. Les télésièges sont arrêtés.
Plus bas, le bar du bas des pistes, la route, les boutiques...

C'est la lumière du couchant que je regarde...

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Voilà exactement ce que j'ai vu en débouchant du sentier, sans jamais m'en douter.
Mais c'est vers le haut que je regarde, vers le sommet invisible, vers où demain j'irai marcher.

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Et là, je peux enfin relâcher la pression.
Je marche tout d'abord sur la neige en dehors de la piste, puis, je pose un pied dessus. C'est lisse, et çà porte.
Alors, sac bien vissé au dos, je fais glisser un pied en avant, un autre... Les gros crampons de mes Hanwag n'accrochent pas si on caresse la neige lissée par la machine...
C'est très amusant.
Euh... C'est absolument génial!!!!
Comme un fondeur sans ski, je glisse... Les crampons accrochent juste assez pour ne pas que je me casse la gueule, ni que je dévale trop vite.
Si je n'avais le sac, je crois bien que je réaliserai un vieux rêve de gosse: me coucher en travers d'une piste, et me laisser rouler en bas.
Déjà fini... Si ce n'était pas si tard..

En bas des pistes, le bar. Un serveur m'apostrophe et me demande si je veux boire chaud. Je pose un pied sur le bitume, et là aïe oh méga-aïe!!! je ne peux absolument plus faire un pas. Je lui réponds: non merci, je cherche juste un endroit pour dormir.
Il me réponds par un nom "Feldberghof". C'est le nom du lieu dit qui est 300m après le bas des pistes, c'est aussi le nom d'un hôtel 4étoiles luxueux, piscine sauna etc...

"Billiger" dis je en éclatant de rire! (moins cher!). Alors il m'explique le chemin pour rejoindre l'auberge de jeunesse de Feldberg (le village se nomme comme la montagne). Du genre 58eme à droite, 46eme à gauche, pas tout droit mais presque etc..
1km500, plus "quelques" détours car je me suis plantée.
Je dois mettre quasiment une heure pour y parvenir!!! Je ne marche plus sur du bitume, mais sur des clous portés au rouge, des lames de rasoir qui me déchirent, des laminoirs qui m'écrasent les pieds.
J'atteints l'AJ. C'est un bâtiment très laid de l'extérieur, situé juste au pied du sentier qui m'emmènera jusqu'en haut du Feldberg demain matin, face Sud.
J'emprunte les escaliers, pour me rendre compte que c'est fermé. En hiver il y a une "entrée spéciale", qui mène dans un long couloir, où l'on peut déposer skis, et ôter chaussures.
Je reste sans mentir 1/2 courbée en deux de douleur assise sur un banc, avant de réussir à retrouver mes esprits, à mettre mes chaussures mouillées à l'extérieur, mais à peine humide à  l'intérieur (j'avais mis les guêtres après avoir déjà plongé 2 fois!) dans un sac poubelle, et de me présenter à la réception.

Je ne sais absolument pas comment fonctionne une auberge de jeunesse, je pense tomber sur des dortoirs remplis de routards comme moi.
Bonsoir!!! Je ne suis pas "jeune" mais j'aimerais bien dormir ici quand même svp dis je...
No problemo. Je suis juste très etonnée par le tarif, que je croyais bien meilleur marché. J'en ai pour 24 euros avec petit dej et taxes(vu que je n'ai pas de carte AJ peut être). Mais en fait une taxe de séjour existe pour tous les hôtels pensions et autres dans ce pays.
On me donne la clé d'une chambre.

Et là, je comprends les 24 euros... Que je comprendrai encore mieux le lendemain matin à 7h30!!
Je pensais dormir dans un dortoir bruyant, je me retrouve dans une chambre seule, avec de vrais draps, une douche, et un WC. Tout est en bois, portes peintes, c'est naif et magnifique.
Je reste comme d'habitude une bonne heure couchée avant de trouver le courage de me lever pour faire le repas. Il est vraiment tard.
Au mépris, certainement, du réglement, je vais allumer le réchaud dans la chambre. Je m'avance vers la fenêtre pour l'ouvrir, c'est plus sain pour les émanations de CO, et là je me rends compte qu'elle est grande ouverte depuis une heure.
Habituée au froid, je ne m'en étais pas rendue compte...

Je mange chaud, je vais dormir au chaud.
J'ai une pensée pour le Felserweg... Impraticable l'hiver, dangereux... sublime.

Demain la neige m'attend...
çà tombe bien, j'ai bien l'intention d'aller à sa rencontre...

PS1: si je n'avais pas eu les pieds en compote, j'aurais loué des skis le lendemain, pour me faire une descente
PS2: je n'ai jamais fait de ski alpin, juste un peu de fond, mais pfff hein!!
PS3: Mais je dois retourner au Glaswaldsee avant dimanche, et même en en faisant une partie en train, ce sera limite.. prévu de marcher et de profiter de cette marche jusqu'en haut, demain. Donc pas de ski
PS4: nan rien, c'était juste pour faire la nique à Sony et à sa PS3...

La suite du récit en cliquant sur "ici"

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Commentaires
J
Tu m'as donné le frisson lors du passage dans la neige molle et ta photo du bâton enfoncé jusqu'à la poignée était vraiment explicite ! Je t'imaginais enfoncée jusqu'au épaules et prisonnière dans la neige et le froid mais ton sang-froid a pris le dessus et j'ai repris ma respiration ! brrrrrr !<br /> Mais l'arrivée sur les pistes m'a également fait frissonner, cette fois de soulagement pour toi !
B
"A la lumière des ampoules, je découvre la semana santa version Laouen..."<br /> lol, je peux pas m'empêcher... lesquelles d'ampoules JT ???<br /> la grosse de 6cm de long et 2 de large ????<br /> :-)) hi hiiiiiii
J
A la lumière des ampoules, je découvre la semana santa version Laouen...<br /> La suite est à lire selon le degré qui vous inspire... Perso, c'est sans alcool! <br /> ;-)<br /> En lisant tes randonnées bretonnes, je pensais que tu pourrais sans soucis devenir guide-randonneuse, devant ce récit là, connaissant ton extrême intelligence, ton soucis du détail et de l'information, je suis admirative! Tu peux devenir organisatrice de raid extrême. Au choix destinés aux cadres désabusés ou aux délinquants à redresser, il suffira de faire tout ce qu'il ne faut pas faire et qu'on sait qu'il ne faut pas faire mais qu'on fait quand même parce que l'aventure n'existerait pas autrement!<br /> Et sans aventure, pas d'ampoules, pas de lumières...
M
...pas beaucoup bossé moi aujourd'hui, j'avais un truc urgent à lire...<br /> Merci infiniment de savoir si bien nous faire partager cette aventure ! (oui, enfin, façon de parler, bien sûr, parce que si tu devais m'emmener avec toi, tu m'aurais assommée au premier Km !)
W
le prochain pont, que j'ai le temps de tout lire ! :)))
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