interlude mal de mer(e)
Rien à dire, mais alors, rien...
Beurrrrrrrrrk.....
J'ai l'estomac tout retourné.
Pas remise de ma bronchite, les tripes à l'envers à cause des médicaments, il m'en faut peu pour me donner la nausée.
Aujourd'hui, après avoir frappé de la pierre à la pioche toute la journée, je suis allée, avec ma voisine, rendre visite au "monsieur qui te retourne ton potager au tracteur que même il te fait pas payer car c'est pour te faire plaisir".
C'est bon? les inspecteurs sont partis?
Bref, dans le quartier, tout le monde fait retourner son potager par le même gars. Mon ex voisine et moi, nous sommes allées mettre notre nom sur la liste d'attente.
Chez les X, on baigne dans la mécanique. Pendant que l'un bidouille sa tondeuse, l'autre fait sa vidange au milieu de la cour. 4 chiens pouilleux viennent se gratter les puces contre vos jambes, et un chat pelé laisse les siennes à qui ne le demande pas.
Môman, vêtue de rose, le regard droit sur une ligne bleue des Vosges qui aurait bu un coup de trop, sort discuter.
Je comprends un mot sur 10 environ, pourtant je maitrise l'accent du terroir. Les 2 fils parlent de la même manière. On suit, on suit, mais d'un coup tout s'emballe, et ils mangent les 3/4 des mots.
Négociation, consultation de l'agenda, demain après çà pourrait se faire....
Non. Pont d'agenda. Le monsieur est surbooké, mais il gère. J'ai Machin à faire, après y a Bidule, comme c'est pas loin je vous rajoute aussi. Et Truc, à côté de chez toi, il a pas à faire aussi? A mettre l'engin sur la remorque, autant faire le quartier complet...
Bref, c'est une affaire qui roule.
Vous buvez un coup?
Euh.... Mééééééé, j'ai pas le temps réplique la voisine.
Ahhhhhhhhhhh, pas de çà, allez tu bois un coup noméo!!
Nous entrons dans une cuisine qui n'a pas du entrevoir un balai depuis 1912. Forte odeur de chien mouillé et sale, boue sur le sol, meubles brinquebalants, odeur de mazout de la cuisinière.
Quelques verres sont posés sur la table. Eux, n'ont pas du voir du produit vaisselle depuis 1908. La bouteille de vin blanc est débouchée. Vu le vin en question, je risque de mourir d'un ulcère avant demain.
Une vieille bouteille de crème de cassis pas fraiche traine sur la table.
Notre passeur de rotavator remplit les verres à ras. Je prie pour que le chat n'ait pas garni la chaise paillée de puces, et je m'assieds.
La conversation prend des chemins qui nous font sourire.
Les 3 Bretons critiquent les Normands. Ahhhhhh, mais ceux de Cherbourg, qu'est ce qu'ils éclusent...
La voisine est morte de rire. Car cette famille là n'est pas réputée pour sa sobriété.
Le kir est sirupeux, écœurant. Mauvais vin blanc, mauvaise liqueur, odeurs entêtantes, la nausée me guette.
Allez, on en remet une!!
Protestation de la voisine et de moi même. Les verres sont remplis de force. Nous nous hatons de siffler le deuxième, il faut fuir, sinon le piège se refermera.
Je respire à fond, prend sur moi, vide le verre, dans un long tremblement de dégout.
Ne pas regarder la transparence douteuse... Ne pas penser...
Un cri bizarre me fait me retourner: une énorme dinde blanche pénètre dans la pièce en couinant...
C'est un cauchemar, c'est un cauchemar... Alcool de misère, volatile gavé à la farine, je vais me réveiller, George Clooney me proposera un Nespresso, et dans l'air flottera un léger parfum de Chanel...
Bah non. j'ai un survêtement troué, taché de terre, des mains de travailleuse des champs, le dos lourd, et si le beau George passait par chez moi je lui demanderai de piocher.
Non, peut être pas...
Evidence troublante. Je suis de ce pays, je suis de la terre, de ce milieu rude qui sent parfois plus la sueur que les parfums à 100euros les 50ml.
Je suis aussi des bois, des kilomètres sans habitations, des forêts noires ou claires, de la nature presque vierge, loin des tas de fumier.
Et je suis là, à taper sur un ordinateur, à essayer de coller des mots les uns derrière les autres.
Drole de mélange.
Dans mon estomac, le mélange corrosif vin blanc/cassis joue au lance flamme...
Je me console en pensant que demain je promènerai mon râteau dans de la terre douce comme l'air printanier...
Et enfin, on pourra semer.
Certains auraient écrit: et enfin on pourra s'aimer...
Je n'ai jamais du être douée pour le jardinage, à coup sûr...