Si...
Si...
Je n'avais pas mes enfants. L'obligation d'être là, pour l'école, et surtout, pour TOUT le reste.
Je laisserai les portes ouvertes. Les lumières allumées, le PC comme il est, le blog ouvert sur le rien qui m'entoure.
Je prendrai un sac, un couteau, une torche. Un tee shirt de rechange (oui bon! un slip aussi!), et je partirais.
Pas d'argent, pas de cartes routières, pas d'essentiel dans le superflu. (Notez la nuance..!)
Et je partirais.
A pieds. Sur les 4 km qui me séparent de la voie rapide. Puis au hasard des bonnes volontés, vers l'Est.
J'irai là bas. J'aurais pu écrire: j'irai là bas, CHEZ MOI. Mais non, qui peut s'attribuer la possession d'un lieu?
J'irai là bas, VERS MOI.
Et au matin, avant que la nuit ne semble même pouvoir finir, je prendrais le chemin. Toute carte étant inutile, droit vers le Sud. Sous la lumière de la lune, la torche pour m'aider à suivre le balisage.
Droit vers le Sud, à travers la forêt. Sans jamais s'arrêter.
Je ferais une pause silencieuse aux alentours du 50eme kilomètre... En plein jour, en pleine solitude. Gouterais l'eau pure du Danube, fragile filet, à peine né... Il deviendra immense... Je ne le suivrais pas. Seule sa source me fascine.
Droit vers le Sud, pour encore 50km. La nuit m'emporterait plus loin.
Loin des lumières de Freiburg...
Dans la forêt, enfin bien nommée, je perdrais tout autre repère que celui de la pente.
La nuit me borderait, de son voile velouté, et là haut je pourrais m'assoir, étendre mes jambes douloureuses. 1500 petits mètres, la cime pelée du Feldberg.
Là, j'attendrais que le jour se lève. Le regard vers l'Est. Et quand il paraitrait, je redescendrais. Droit vers le Nord.
J'atteindrais la route, et au hasard des bonnes volontés, retournerait là bas, vers ce lieu qui est moi.
Là, je pourrais dormir? Même pas.
Retourner vers la France, ma vie, mes enfants.
Mais
Si
"Mais" et "Si" sont les deux mots que je haïs le plus.
J'ai écrit ces lignes en faisant inconsciemment une faute de grammaire: j'avais mis tous les verbes au futur, et non au conditionnel. "je partirai" au lieu de "je partirais".
Les doigts sont bien le prolongement de la pensée...