17 janvier 2011
toute ressemblance avec etc...
Mouais. Toute ressemblance avec des personnages de la vraie vie ne serait que pure connerie hein!
Tout ce que je vais écrire, c'est du pur délire, naturellement. Je ne connais personne qui ait fait la guerre dans un pays commençant par "A", dont on ne revient jamais, même quand on en revient. Allez comprendre....
Si je cause moto, par exemple, la moto en question ne dépasse jamais les limites de vitesse. Big Brother is reading me, ou pas. Je m'en tape un peu, mais je n'ai absolument pas confiance en Internet.
D'ailleurs, pourquoi écrire des trucs dont il ne faut pas parler? D'ailleurs, pourquoi écrire des trucs dont tout le monde se moque? Mon mec est revenu détruit d'Afgha? L'avait qu'à faire plombier, comme ils disent tous.
Actuellement, l'heure est à la propagande. Faut trouver du volontaire pour y retourner. Ben n'est ce pas... Alors moi, euh, enfin, la fille dont je parle puisque tout est inventé comme je me tue à vous le dire, j'ai fini par gueuler: comment tu pourrais y retourner là bas hein, puisque quelque part tu n'en est jamais revenu?
Meuh non, j'exagère..
Intérieur nuit. Je sursaute. Dans ses cauchemars il cause tout haut. "Vas y, descend le, fais ce que je t'ai dit..". Et plein de trucs que je ne pige pas, car je ne peux pas lui demander de répéter ce qu'il vient de me dire. Le coeur battant trop fort, je vire les draps histoire de faire redescendre la température de mon corps, çà aide à se réendormir parait il. Faudrait.... Dormir? c'est quoi? Voilà des mois que je veille.
La nuit, comme lui, je suis de garde. Je veille. Je le veille. Lui, parfois il passe des heures à me regarder dormir. Quand il n'est pas debout, levé en sursaut, à mater par la fenêtre et visiter toutes les pièces avant de retourner au lit.
çà se soigne? Mouais, bien sur... Les vieux, les jeunes, ils sont tous un peu comme çà. Ou alors faut avoir ni coeur ni cerveau. Ni mémoire, ni âme. Va t'en vivre en paix quand de tes mains tu as tué. Tu as beau leur dire: c'était eux ou toi... Foutu.
Je sais des trucs qui feraient recette, si je les écrivais ici. Des machins déchirants, scénar de films sponsorisés par kleenex. Des mômes déchiquetés, des femmes brûlées vives, des choix à faire qui te donnent envie de te tirer une balle dans la tête, des trucs bien sanguinolents, loin de la gloire des batailles épiques, des trucs qui te tuent aussi facilement qu'une balle de 12-7 (mitrailleuse).
Sauf que t'es pas mort. Sauf que tu rentres, avec tout çà dans ta tête. Sauf que parfois, souvent, trop souvent... Quand tu rentres une autre mort t'attend. Ta gonzesse, au lieu de broder telle Pénélope à la fenêtre attendant son mec parti faire un long voyage, ben.. elle s'est conduite comme une, disons "un mot qui rime avec Pénélope" hein? Vous voyez?
Tu peux être avec depuis 6 mois, ou depuis 25 ans. Souvent, quand tu rentres de la guerre, tu apprends que ta femme est une pute. Et qu'en plus, elle doit en être une mauvaise, vu qu'elle a plus vidé ton compte en banque que ce qu'elle a ramené du pognon...
Méchante? Nan. Non, ok, c'est pas une généralité. Mais je peux citer des noms, beaucoup de noms. Et çà, le mec qui rentre de la guerre, il a encore plus de mal à le supporter que la guerre elle même.
Certains veulent mourir? Le mot est faible...
Et merde... Je me rends compte que mon français est volontairement déplorable. Que je cause volontairement comme on déchire un coeur en deux: sans violons, sans baume, sans fleurettes autour. Je pourrais en faire un truc bien bouleversant, digne d'une grande tragédie ciné US, avec le héros qui s'en sort à la fin, de la belle musique, et de belles paroles. La musique de mes mots, là, elle ressemble à celle des FM, et ce FM là n'a rien à voir avec la radio.
Alors moi, j'aime comme je peux, et souvent je peux mal. Car souvent je ne peux rien faire pour apaiser celui que j'aime. On vit comme on vivrait en guerre. A l'assaut, çà gicle, çà crie, puis le calme revient, on souffle un peu, avec au fond des tripes la trouille car on sait que çà va revenir. On est pas en Afgha... On n'est même pas en plein cauchemar. Le cauchemar, c'est souvent la vie réelle. L'Afgha, c'est loin, et si il devait repartir je crois bien que je pourrais tuer pour l'en empêcher.
Et ils sont nombreux finalement, à désirer plus ou moins ouvertement repartir.
Repartir, pour trouver la paix de l'âme? Se faire pardonner d'avoir tuer? Se faire pardonner d'avoir laissé mourir, de n'avoir pas eu 12 bras, 15 paires de jambes, 6 cerveaux pour penser en même temps?
Repartir, pour aller au devant de la mort, volontairement, car la vie vous a tout pris, même ces années derrière où l'on croyait qu'elle vous aimait, cette salope infâme qui vous a tué mieux qu'un obus de mortier?
Ils s'en foutent bien là haut, ceux qui décident, de savoir si ils sont en état ou non de repartir. D'ailleurs, les gars ne disent rien, ou si peu, jouent les forts, se conduisent en hommes durs, c'est leur métier.
Et moi là... Moi qui aime le silence de la montagne, le pas lent, la paix qu'apporte la communion avec la nature, je vis comment?
Je vis comme si je traversais un champ de mine, je vis comme si je tenais dans la main une grenade dégoupillée, avec le doigt qui l'empêche de péter, mais on ne peut pas la retenir éternellement... Je vis avec la trouille au ventre. La trouille des simples accrochages, la trouille des gestes irréparables. J'ai perdu toute confiance en moi, perdu toute idée d'un avenir serein. J'ai même du me perdre, quelque part en route.
Et sur la route, les bandes blanches qui défilent.... Le moteur de la moto hurle, je n'ai pas peur. Si je tombais, mon corps exploserait en mille morceaux, guirlandes rouges sur le bitume.
Je vis comme si j'étais en guerre, attendant l'ennemi dont je connais le nom, qui frappera, je le sais. Pas besoin d'un flingue... Y a pire, et plus sur, pour tuer vos proches.
Les flingues, j'en ai eu dans les mains. Je les ai d'abord eu en horreur, et par pudeur je ne dirai pas pourquoi. Maintenant, je les ai apprivoisés. Mais je ne ressens aucun sentiment de puissance ou de quoi que ce soit quand j'en tiens un.
J'ai tiré au 44 magnum, un truc de dingue. J'ai tiré au 357,au 45, j'ai tiré au fusil de guerre, j'ai eu les doigts qui puaient la poudre. Mais en me lavant les mains, les gouttes noires coulaient dans le lavabo. Un coup de serviette, et c'était terminé. (Mets tes doigts dans ta bouche, et tu es bon pour la courante :))
Souvent, autour de moi, l'air sent la poudre, mais j'aurais beau noyer la pièce, ce noir là ne partirait pas dans le siphon.
Souvent, autour de moi, çà déchire, çà arrache, mais aucun casque anti bruit ne peut te protéger le crane.
Tirer, maintenant, çà m'apaise. Il faut se concentrer, il faut être calme. Avec le casque, mes tympans survivent. Je suis habituée au recul. A 50m, là bas, la silhouette noire sur le papier blanc s'orne de jolis trous dus aux balles de fort calibre. Tir groupé dans le ventre, et hop, un pile poil au milieu du front, juste pour changer un peu. Mais je préfère tirer sur une cible de base. Et avec le flingue à la main, je ne pense à rien d'autre. L'air sent le feu d'artifice.
Le soir, je démonte et remonte la chose. Faut nettoyer, graisser. La mécanique est parfaite, c'est un petit bijou autrichien. Ils ne font pas que les meilleurs apfelstrudel du monde, ils font aussi les meilleurs pistolets automatiques du monde, utilisés par l'armée US et israélienne, c'est pas peu dire.
Moi, je suis pas du Mossad hein.. Nan, j'ai juste un avenir souvent maussade.. jeu de mot lamentable. Voire même carrément glauque.. mmm... là, y a que les connaisseurs qui pigeront (Glock, c'est la marque du flingue).
Mouais... Tirer, çà apaise. C'est la vie qui tue.
Ma vie est invivable. Des moments de bonheur, la lumière sur l'océan, l'air glacé qui me frappe les joues par la visière ouverte du casque, la forêt de Moselle sous la neige, et il suffit d'un mot, un seul, ou même de rien du tout pour que tout explose.
Souffle court, tenir, tenir... Ramper, tenter de protéger ce qui peut encore l'être.
Moi qui voudrait batir... Moi qui rêve de paix, de pièces tièdes, de soleil par la fenêtre, de jardin odorant, de silence...
Avec une arme, on peut flinguer à tout va, des innocents, comme des salauds. Mais aucune arme ne peut flinguer les séquelles du passé, la peur de l'avenir, et même... cette douleur qui te fait parfois refuser l'idée même d'être heureux, l'idée d'avoir droit au bonheur, l'idée d'avoir droit à une autre chance.
Et parfois, quand tu l'acceptes enfin, la vie te reprend encore tout, te file une maladie bien gratinée, du genre mort assurée sous peu.
Tout serait si simple si tu pouvais faire comme avec les flingues. Démonter la culasse, le ressort, sortir le canon, tout nettoyer, tout graisser. Chaque pièce à sa place, sans forcer, sans hésiter. Les deux flingues sur la table, ouverts, comme on devrait s'ouvrir nous mêmes, tous les deux. Se démonter, se nettoyer, se graisser, se remonter.
Aller se laver les mains au lavabo. La vie noire qui coulerait dans le siphon. Un coup de serviette, et hop... Propres, nets, prets à avancer.