Trop facile...
Je n'aime pas le Golfe, disais je... Avant. Quand je ne le voyais que "de la terre". Quand je n'en avais pas saisi la dimension essentielle.
Laquelle? La longueur, la largeur, la profondeur, la hauteur (si si j'insiste, la mer a une dimension verticale évidente), la clarté?
Pfff... disons un mélange de tout çà, une dimension sans nom, la sienne.
Et j'ai aimé le Golfe. Vu de la mer, vu de la terre. C'était parfois trop facile.
Quand le soleil était généreux, mais pas assommant, quand le vent était présent, sans être ingérable, quand le bateau filait vite, gitait jusqu'à effleurer l'eau de son bord supérieur, quand rien n'était silence, que claquements de voiles, et rires des enfants...
Trop facile. Le Golfe faisait tout pour se faire aimer...
Il y eut des moments où le Golfe fut plus difficile à aimer.
Quand les nuages noirs annonçaient le grain, quand la pluie effaçait les contours des iles, trempait les voiles, pénétrait les vetements. Quand le brouillard brouillait les notions de distance.
Quand le soleil se faisait cruel, combiné à un manque quasi total de vent. Quand les mains pendaient lamentablement, trempant dans l'eau immobile, cherchant un peu de fraicheur, mouillant ensuite les nuques brulantes.
Quand le ciel était gris maussade, que rien ne semblait être vivant, qu'encore une fois le vent s'était oublié.
Quand même sans ciel gris ou soleil cruel, le vent était si "ailleurs", que le bateau semblait reculer, sous la force du courant. Quand "semblait" n'était même plus de rigueur... Quand il reculait vraiment. Quand la vitesse n'était qu'un souvenir, que les heures passaient. Que dire "nous avançons très très lentement" aurait été d'un optimiste pur. Quand faire de la voile n'était plus un jeu de patience, le mot n'étant plus assez fort. Quand le silence s'abattait sur nous, celui des voiles sans vie, celui de l'eau sans mouvements, celui des enfants, lassés, le notre, impuissants...
Alors, j'ai Aimé le Golfe...
Sous la pluie, oh oui... Je l'ai aimé sous la pluie. Qui a dit "c'était trop facile"? :) Peut être.. Pour moi, peut être...
Je l'ai aimé sous la lenteur désespérante des heures qui passent sans que rien ne bouge. La patience, le renoncement, l'abnégation, je sais ce ce que çà signifie.
Trop facile... Il a été trop facile à aimer, mais il s'est parfois présenté sous un visage implacable. Là, je l'ai aimé de toute la difficulté de l'aimer...
Et finalement, après ces heures immobiles, après ces murs qui ont un moment semblé nous stopper, après TOUT, nous sommes toujours rentrés au port...
Toi... Tu as été trop facile à aimer. Tu as tout fait pour çà. Et tu l'as très bien fait.
Sont venus les moments où ... je ne veux pas en parler.
Trop, tu me demandes trop, j'accepte le "trop", j'accepte le "tout", mais "tout" n'est certainement pas assez.
La patience, elle porte mon nom. Le silence, même si il me brise, je l'endure. La lente dérive, ces sensations de chute, je les encaisse.
En juillet, tu étais si facile à aimer... Et le vent est tombé brutalement, et je manque d'air, et je manque de toi, même collé à ta peau.
Et.. je t'aime pourtant, de toute la difficulté de t'aimer. Toi qui ne liras pas ces lignes.
Et je suis fatiguée, épuisée, à bout de forces et de nerfs parfois. C'était si doux, de t'aimer, quand c'était "trop facile". La vie était si belle, enfin je n'avais plus à me battre, juste à me laisser aimer, juste à t'aimer. Là, il me faut supporter ces heures de doute, ces jours d'angoisse, ces cordes dont tu te lies les bras, le coeur, qui te tirent en arrière. Loin de moi. Ce brouillard, ce mur qui me coupe du futur, que tu as toi même construit. Ce silence entre nous, cette distance, même au creux de tes bras. Ces élans que j'ai du stopper, par peur de t'étouffer. Je ne sais plus comment je dois t'aimer... Faire semblant d'être heureuse, de me contenter de ce qu'il me reste, espérant que ce "reste" ne parte pas en poussière.
Et finalement, après ces heures immobiles, après ces murs qui ont un moment semblé nous stopper, après TOUT, nous sommes toujours rentrés au port...
çà, c'était sur le Golfe... Là, c'est toi qui tient la barre, c'est toi qui est maitre du vent. Tu peux décider de me perdre en mer... Et à force de t'accrocher au passé, tu finiras par couler le bateau. Ne crois tu pas que malgré TOUT, nous pouvons continuer à espérer rentrer au port? Ensemble