J'irai revoir ma Normandie (1)
Nous sommes rentrés hier soir. J'aurais voulu rester une nuit de plus.
Mais les enfants avaient très mal dormi (moi aussi mais pas grave) car
nous avions eu l'impression de dormir sur l'autoroute. Et ce n'était
quasiment pas une impression!
Minimoi ayant un controle de math, j'ai du être raisonnable, et prendre la route du retour hier soir.
Bien fait pour moi!
Quand on décide d'aller en Normandie un WE de Pentecôte, on réserve.
Euh?
Quand?
6 mois avant mini!!!!!
Vive l'hiver, Etretat sous la tempête, Honfleur après une alerte à la bombe, Cabourg entre 4h53 et 5h02 du matin...
Je pensais que l'été, les coins les plus touristiques de Bretagne
étaient envahis par les touristes. Je le pensais, vu que j'y vis depuis
13 ans.
Je me trompais: il n'y a PERSONNE, ou presque!
Maintenant je sais ce que c'est qu'un coin envahi par les touristes (dont nous faisions partie).
WE comme une bittersweet symphonie. Coups de blues, catastrophes, mais on ne perd pas le moral. On met la musique à bloc, on chante, on déconne, on rigole, et on profite à bloc de certains instants qui te font planer très haut.
Il n'y aura pas de post fleuve cette fois ci, ni de post écrit puis caché dans les profondeurs du blog.
Il n'y aura que la lumière de cette fin de mai sur nous 3. La lumière est à vivre, nous l'avons vécue.
Au début, il y eu le Mont.
Le Mont, on aime ou on aime pas. Il m'est arrivé de me garer, puis de repartir. Impossible de marcher dans la rue principale. `
Il devait être 10h quand nous sommes arrivés au Mont. J'ai 1h45 - 1h50 de route environ.
Nous avions fait une halte gourmandise dans la dernière boulangerie
avant le Mont, signalée ainsi sur les panneaux. Un peu comme les
"attention dernière station service avant autoroute".
2 minutes de discussions avec le boulanger.
Il doit attirer du monde votre panneau!
Pas autant que je le voudrais.
Avec un petit sourire, je réponds: vous savez, je pense qu'ils adorent payer le bout de pain 5 fois plus cher là bas.
Pas que le pain répond il. Tout est plus cher là bas. D'après les Parisiens la vie y est plus chère qu'à Paris.
Je souris... A Paris la vie n'est pas chère, ce sont les loyers qui le
sont. La nourriture est correcte, suffit de savoir où acheter :)
Ne trainez pas me dit il, la semaine dernière il y avait 6km de bouchon à 11h.
Ce matin, c'est correct. Jusqu'à ce qu'on passe l'entrée du Mont bien
sur. Ensuite, on pose un pied, quand on a un espace pour le poser. On
attend un peu, on en pose un autre.
A peine exagéré. A peine, parce que 10h du mat. L'aprem ce n'est pas du tout exagéré, c'est bien pire.
Ma fille était venue au Mont à l'âge de 9 mois. Mon fils jamais. Je
n'aime pas la foule, je n'y peux rien. Alors on laisse la merveille,
loin, très loin.. On la regarde parfois de loin, sur l'autoroute, quand
la vie t'emmène vers le Nord.
Les enfants se faisaient une joie d'y aller.
Comme moi, ma fille a vite eu l'estomac retourné par le mélange
sueur/parfums. Mais l'endroit est si fabuleux! Facile de comprendre
pourquoi tant de monde débarque ici chaque jour.
Du drame écologique, je ne parlerai pas...
Nous avons visité l'abbaye, avant de redescendre respirer. Voir le Mont comme je l'aime.
Bizarrement, hormis sa silhouette qui ressemble à un rêve, ce n'est pas
le Mont en lui même que j'aime là bas. Mon regard se perd sur ces
kilomètres carrés de vase, de sable, de courants visibles ou
invisibles, de reflets magiques, de lumière à même le sol.
C'est cette baie qui est une merveille, encore plus que cette Ile qui n'en est plus une.
Ici, je voudrais marcher des heures pieds nus dans la vase, suivre un
reflet, dériver... Je sais bien qu'il ne faut pas le faire. Un jour je
pense que je demanderai à un guide de m'accompagner.
Pour l'instant, nous avons touristé avec les enfants.
Avant même d'être entrés dans le Mont, j'avais été fascinée par la lumière. Seule, je me sentais totalement seule au milieu de la foule.
J'ai un gros faible pour celle ci. J'aime l'ombre de la flèche.
Et oui: Laouen qui aime tant la montagne aime aussi la platitude absolue de la Baie.
Il est encore possible de marcher le long du cloitre. Un groupe de Japonais, des groupes plus réduits, l'abbaye reste respirable.
Ce touriste prenant une photo m'a fait marrer: à le voir, on le croirait en pleine séance d'un art martial inconnu.. :)
Photo-miracle: pendant 1 seconde, il n'y a eu personne devant la porte.
Nous avons fini par arriver près de l'immense roue de bois qui servait à monter les marchandises. Je n'ai pas fait de photo, dommage, vous auriez mieux compris ce qui va suivre.
J'ai vu la roue, me suis approchée, et j'ai lâché: "on n'a pas le droit de faire le hamster"?
Car la roue ressemble à s'y méprendre à une immense roue que l'on met dans les cages à hamster.
Un groupe de jeunes près de la roue. Ils étaient morts de rire: pas vu pas pris! ils ont dit. J'avoue: je n'ai pas osé. Je n'avais pas envie d'être reconduite à la sortie par le service d'ordre, voire même de devoir expliquer mon geste devant la police locale. Devant les enfants, faut rester.. sage ;) Mais c'était si tentant!
Peu à peu l'abbaye se remplit. Heureusement, nous en sommes à la fin de la visite. J'ose l'avouer, nous adorons le "tourists watching". Expression entendue la première fois à Petra, en Jordanie, où nous étions avec une Française qui vivait là bas. Les jeunes Bédouins adoraient mater du touriste, et se moquer plus ou moins gentiment de certains.
Les enfants et moi, on l'avoue: on est parfois plutôt méchants. Mais je vous jure: nous avons des excuses! Certaines visions sont trop intenses, on ne peut pas résister.
Là, les aigris de base vont penser: "oui, Laouen se moque, elle ferait mieux de se regarder!, charité chrétienne, bla bla bla bla bla, respect des autres etc".
Je respecte infiniment l'autre. Mais je dis tout haut sur ce blog ce que VOUS PENSEZ VOUS AUSSI tout en jouant les bien comme il faut... N'est ce pas? :p
Nous sommes redescendus. La descente a été bien plus dure que la montée. Noir, noir de monde...
Passé la porte, il n'y avait plus personne. Nous sommes re rentrés dans le Mont par une autre porte, puis nous avons filé droit vers les rochers, la vase, la Baie.
Point de folie.
Juste oter ses chaussures et ses chaussettes, retrousser ses pantalons. Poser ses pieds sur la vase glacée. Rapidement la sensation de froid s'estompe. Elle est parfois dure, portante. Parfois molle, sonore. Le bruit d'un baiser de vase, quand elle embrasse tes pieds, mmmm...
Marché tout autour du Mont, marché vers la lumière, dans le silence total, les cheveux au vent fou.
Odeurs de vase, odeur de mer, là bas, au loin.
Le Mont est un miracle à vivre intensément, d'un pas léger, le plus léger possible.
Pendant ce temps, là haut..
Ah bon?
Il y a quelque chose là haut?
La vase est parfois devenue très très affectueuse... Mini sables mouvants. Les enfants ont poussé des cris. Etrange sensation que celle ci. Une couche qui parait stable, et on semble poser le pied sur un matelas gonflé d'eau. Dessous çà remue. Le pied s'enfonce, s'enfonce encore.
L'eau, l'air, la lumière.
Le danger peut être si attirant, si fabuleusement beau. On le sait, on fait pourtant ce pas en avant... Yeux et bras ouverts.
Ici, ce matin là, il n'y avait pas de danger. Mais la phrase précédente peut s'appliquer à plein de situations que j'ai vécues.
Pour rejoindre le parking il a fallu traverser une zone de vase et d'eau remplie de méduses brillant au soleil.
Ensuite, les pieds enduits de vase grise, nous avons marché pieds nus sur le bitume. Croisé le regard de ceux qui nous regardaient comme si nous étions des extra terrestres, ou bien des "gens pas comme il faut,mais alors pas du tout".
Trop en vie?
Certainement....
Une dernière photo du Mont, en repartant
Mais avant cette photo là il y avait eu LA CATASTROPHE.
Minimoi, en refermant la porte de la voiture avait coincé son portable dedans. Explosé.. Inutilisable.
Comment allait elle survivre pendant ce WE?
Comment allait elle communiquer avec son amoureux?
Terrible... Ma fille est complètement accro au portable. Dois je faire quelque chose? L'interdire de portable? Elle SMS à tout va. C'est l'âge. Il me semble que tenter d'aller contre ce serait passer pour (et être) une vieille conne.
Une de ses amies lui en prêtera un mardi, mais comment survivre jusque là?
Je lui file le mien, elle met sa carte SIM dedans, et envoie 25478956312 SMS à tous ses contacts pour annoncer qu'elle est désormais pire qu'échouée sur une ile déserte sans vivres, vêtements, et trousse à maquillage.
Mais çà ne suffit pas, c'est clair à voir! Elle est carrément décomposée. J'ai du mal à récupérer mon téléphone.
Alors là, je fais un truc qui bizarrement va me laisser une drôle de sensation au creux de l'estomac.
En m'arrêtant à Avranches faire le plein, j'entre dans une grande surface, et oh miracle, il y a une boutique "couleur entre jaune et rouge" (je ne fais pas de pub à ces escrocs).
Mon portable perso est au bout du rouleau. Affichage quasi illisible. Je comptais le changer en juin, par un truc à peine plus évolué, le téléphone me servant avant tout à TELEPHONER.
Je file direct dans la boutique, et achète un portable neuf. Appareil photo, radio, walkman, carte mémoire etc. Maintenant ils sont tous comme çà, après tout, c'est sympa.
Je mets ma carte SIM dans le nouveau, et file le vieux à ma fille qui rigole: tain, je récupère le téléphone de l'espace! trop top!! (c'est vraiment une antiquité).
Et là, y a un truc qui coince...
Après en avoir parlé à ma fille, je me rends compte qu'elle pense exactement la même chose.
Mon vieux téléphone, il était vraiment naze. Je n'y étais pas du tout attachée. Mais ce téléphone, c'est, comment vous expliquer..
2 ans de ma vie, là, un peu résumée en sms, appels.... Tout çà est resté dans la mémoire de l'ancien. Sur le neuf, plus rien, du vide.
Je viens d'acheter un portable neuf, et j'ai l'impression que 2 ans de ma vie sont partis avec le vieux. Là, je m'enterre au niveau explications :)
Comme si, en changeant de portable, je n'allais plus jamais entendre parler de ceux qui ont fait partie de ces 2 ans, amis, potes, etc..
C'est plus clair? :)
Quand on est con, on est cooooooon disait la chanson!
Chais pas, sensation étrange. Y a des trucs dont on est surs. Heureusement, parfois on se trompe. Parfois...
Ma fille a continué à SMS-er pendant toute la route. A la sortie de Caen, sur le superbe Pegasus Bridge, j'ai dit : maintenant tu stoppes, sinon il passe par la fenêtre.
Devant le sublimissime de blancheur Grand Hôtel de Cabourg nous avons trouvé une place de parking inespérée.
Cabourg... Un milliard de fois plus belle que Deauville! Les gosses étaient émerveillés.
L'heure était venue de flâner, de trainer dans les rues, de pousser des oh et des ah devant les adorables maisons bien cachées derrière les arbres taillés le long des rues calmes, si calmes...
L'heure était aux glaces, au soleil, à la dolce vita normande...
J'ai inauguré mon téléphone neuf moi aussi. Bien entendu, il est resté muet...
Vitres baissées, musique qui déchire grave à fond, nous avons repris la route côtière...