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face au vent-avel a benn
22 avril 2008

Himmel... (5)

Bon... Voilà que je ne sais plus quoi écrire! Je crois qu'une petite précision s'impose: Comme toujours, vous me croyez assoiffée d'aventure, de défis perso, prête à tout pour arriver au sommet, au bout, voire même encore plus loin/haut/fort etc. Et bien, vous vous trompez! Mais bon, je désespère parfois de vous le faire comprendre ;-) Pendant cette semaine là bas, j'avais une furieuse envie d'aller dans ce refuge paumé au milieu de 2 mètres de neige, non pas pour dire "je l'ai fait", juste pour y être. Car franchement, je ne vois pas quel exploit physique j'aurais accompli! Ni quelle satisfaction personnelle çà aurait pu m'apporter. Je voulais poser mon dos contre le bois du chalet, regarder le soleil à ma droite, à ma gauche, devant moi, se lever derrière la ligne des crêtes, illuminer l'Augstenberg... Et regarder vers le Nord, vers le Naafkopf, cette montagne qui m'a fait faire 3000km cet été, juste pour m'assoir tout là haut. Mais si on m'avait demandé: tu as envie de grimper là haut? j'aurais répondu non. Non, bien sur, car c'était trop dangereux. Non surtout, parce que le regarder me suffisait. Et çà... Ce n'est pas reculer, c'est justement avancer. Il y a fort longtemps que j'ai compris que "'le bout n'existait pas", et que je n'ai donc, aucunement envie de l'atteindre! :-) Je me rends compte, à travers vos commentaires, que vous me voyez différement de ce que je suis vraiment. Je ne cours après rien du tout, même pas après moi même. Peut être parce qu'un jour j'ai réussi à me rattraper, certains diront à me dépasser, ils auront tort. Disons que je marche, avec moi même, et en paix. Donc, à tous ceux qui s'attendent à une escalade dans mon récit, au niveau du risque, et de l'incroyable, vous allez être déçus. Attendez la semaine prochaine, et regardez Indiana Jones à la télé ;-) Laouen n'est pas Indiana Jones, ni même Red, ou Orange... Laouen a appris une certaine sagesse... Si si, je vous le jure! Revenons en à mon récit. Jour 2... Pas dormi de la nuit! Pourquoi? Pffffffff.. Les auberges de jeunesse, c'est super! Nous étions 2 hier soir, et les deux dans la même chambre bien sur. J'ai soupiré de contentement en découvrant que ma compagne de chambre était calme, et désirait dormir. A 21h, elle en écrasait déjà! Mais voilà, çà n'a pas duré! Cette fille a passé ensuite toute la nuit à sortir de la chambre, aller dehors, revenir dans son lit, ressortir, etc... Je devenais dingue... Je pense qu'elle allait fumer, je ne sais pas. Je n'ai rien voulu dire, car en fait, je tentais de garder mon calme pour éviter un homicide 100% volontaire. Au matin, j'avais la gueule des mauvais jours, et çà tombait bien, car le ciel avait la même. Même pas la peine de tenter de filer sur Malbun, là bas ce devait être tempête de neige! Car ici c'était tempête de flotte. J'ai trainé dans Vaduz, somnolé à moitié, puis j'ai conduit au hasard, à travers le pays... Parenthèse: le pays fait 24km de long! :) Zigzagué dans les ruelles du vieux village de Triesen, un vrai régal, me promettant d'y revenir quand il ferait meilleur, faire quelques photos... J'ai même fait un tour en Suisse, histoire de gouter la pluie de là bas. Et je suis rentrée, tenter de dormir. Tenter est le mot! Car à l'auberge de jeunesse, pour dormir hein... Mais bon, cette nuit là fut potable. Mardi matin. Brouillard dense sur Schaan, brouillard dense sur Vaduz, brouillard dense sur Triesenberg, brouillard dense sur Steg, brouillard encore plus dense sur Malbun... Je me gratte le bonnet (ma tête est dessous), regardant désespérément ma carte, cherchant l'inspiration. Où aller dans cette purée de pois? Le bus qui monte de Vaduz s'arrête sur le parking. En descend un homme en tenue d'Indiana Jones, mais pas payé par Hollywood, et plus âgé que notre cher Indiana. Des vielles fringues, des godasses de montagne usées, un foulard sur la tête. Et là, il me dit: vous êtes revenue? euhhhhhhh? D'où? Pourquoi, comment, on se connait? Là, il m'explique: Il était là, dimanche, dans la vallée, à me regarder peiner avec mon gros sac, sur le dévers du Spitz... Et il me dit: j'ai prié pour que vous stoppiez, vous l'avez fait, merci. Bon, en fait, on cause anglais, donc on ne sait même pas si on se tutoie ou pas... Il me dit: il ne faut pas marcher seule aujourd'hui, trop de brouillard, grimpe avec moi jusqu'à Sareis! Je n'ai pas forcément envie de remonter là haut, mais je n'ai pas non plus envie de tourner en rond autour de ma voiture. Alors nous mettons nos raquettes, et nous grimpons. Arghhhhh... Toute cette fatigue accumulée, çà me tue, et c'est qu'il grimpe vite! Le gars m'explique qu'il vient ici tous les jours ou presque, pour être en forme, car il a besoin de çà pour son job. Et logiquement, je lui demande quel est son job. C'est le début d'une longue conversation, sur le Tiers Monde, les guerres civiles, l'Afrique, Le Kosovo... Voilà sa vie, à ce montagnard là... Nous parlons aussi du Liechtenstein, de ses habitants, qui pour lui, sont un peu "étroits d'esprit", trop arrogants, sympas, mais ... Le fric tue tout... Les Suisses sont pareils dit il... Les Autrichiens sont plus cools. Alors je lui demande: tu es autrichien? Non... J'ai deux passeports: un suisse, un américain. Je vis dans l'état de Washington, pas loin du Canada. Enfin, quand je me pose! Et c'est reparti... L'Amérique, ce qu'en pensent les Français, la politique... Mais çà, c'est pendant les pauses qu'on en parle, parce qu'en fait, pendant que je grimpe, j'ai du mal à trouver assez de forces pour faire un pas de plus, alors pour parler... Au lieu de suivre "le sentier qui n'en est plus un car il y a 2m de neige dessus", il prend la pente brute. Et là, je vais lutter... Avec les raquettes, c'est plus simple que sans, mais je glisse, je me marche sur les raquettes, c'est intense. Pourtant, là, sur la pente brute, je me sens bien mieux que dans la longue montée interminable avec un pourcentage plus doux. Nous nous guidons grace à un fantôme: ce qu'il reste d'un poteau de bois, signalant le sentier, plus haut. Mais nous ne voyons rien, rien du tout... Il neige. Voilà ce que je voyais: sur cette photo, vous avez: le sentier, les pentes, les montagnes, la vallée, et le ciel :) _smallP1020458 Bon, allez, je zoome, vous allez mieux voir! _smallP1020459 Pas mieux? On essaie celle ci: _smallP1020460 Bon, je renonce! on ne voyait rien, c'est tout! En pleine pente, il me photographie. Sur cette photo on dirait que je pars en expé en plein Himalaya! Je regrettais d'être aussi couverte d'ailleurs, car je suais là dessous! _smallP1020461 A mi chemin, ce qui s'offre à nous n'est guère engageant. Il est impossible de savoir où aller! Même le gars, qui connait cette pente mieux que sa poche commence à se demander si nous ne devons pas être raisonnables, et redescendre. _smallP1020463 Nous nous reperons grace au haut des piquets des murs d'avalanches, du moins, ce que nous pouvons en voir. Mais la pente gèle, les raquettes dérapent. Mon compagnon de brouillard me dit: on glisse trop, on va redescendre. Quand la visibilité est un peu meilleure, on peut voir le village, enfin, en étant optimiste _smallP1020466 Sages, nous redescendons, au milieu du blanc intégral _smallP1020467 _smallP1020469 _smallP1020473 Je lui parle du refuge, et il me déconseille encore une fois d'y aller. C'est impossible... Nous parlons de la montagne, de cet amour qui tue, de la folie des hommes qui se croient capables, et qui même en réfléchissant, oublient que la nature est plus forte qu'eux, pas parce qu'elle est cruelle, juste parce qu'elle est... elle même. çà me fait sourire... A discuter avec ce gars, sur les pentes, en anglais, j'ai l'impression d'entendre un autre homme, un autre grimpeur, qui me parle lui aussi de la montagne, dans ces mêmes termes, et aussi en anglais. Il y a juste une forte différence d'âge entre les deux, et une histoire de nationalité. Et... Mon compagnon du jour est "de l'autre côté", comme il me dit... Lui, la guerre, il la vit, de l'autre côté. Quand je lui parle de Basra, je vois son regard changer, et tout ce qu'il peut répondre c'est un "noooooooon" étouffé. Et là, il me dit ces phrases etonnantes: C'est ton ami? Oui. Alors, s'il te plait, reste son amie, même quand il sera rentré de Basra. Pourquoi tu dis çà? Parce qu'il reviendra différent. Ce n'est pas la première fois... çà fait des années qu'il vit çà. Et c'est reparti... On ne va pas refaire le monde... Mais nous crachons sur ce pouvoir du fric, qui fait que des milliers, des millions de gosses, de femmes, d'hommes, crèvent de faim... Sur la politique US, sur le fait que même si "ils" partaient maintenant, l'Irak serait foutu, parce qu'il est trop tard... Bush, Sarkozy, Berlusconi.. le monde est entre de sales mains me dit il... A Malbun, il n'y a plus de bus pour la vallée avant un bon moment. Je lui dit que j'ai envie d'aller a Steg, voir le lac. Nous descendons en voiture là bas. Et on finit dans un petit chalet douillet, devant une escalope frites et un thé bouillant. A parler, parler... d'Afrique, de Nouvelle Guinée... Parfois j'hurle de rire... Il me raconte l'Afrique, le chef de tribu lui présentant 20 filles, plus belles les unes que les autres, et lui demandant de choisir. Tu dois le faire me dit il, sinon tu les offense. Par contre, en Nouvelle Guinée... J'ai passé 3 ans là bas me dit il, 3 ans sans poser la main sur une femme. Là bas, on te présente aussi des filles jeunes, et on te dit de choisir. Si tu touches, tu es mort... Ou on te coupe les doigts, c'est ce qu'il peut t'arriver de mieux! Mais va refuser sans les offenser! (sont quand même vicelards dans ces tribus N de D! ils veulent ta mort!) Alors il me dit qu'il prétendait être une espèce de moine, et ne pas avoir le droit de toucher les femmes. On lui a donc demandé si.. il préférait les hommes. Eclats de rire de Laouen... Autre anecdote: En Afrique, un jour, des locaux lui disent "on t'a vu à la télé, c'était toi, c'est sur" Là, le gars étonné ne pige pas. Et il finit par se rendre compte écroulé de rire que les locaux ont tout simplement regardé Indiana Jones... La conversation dérape. Je lui parle de ceux qui, en France, me prennent pour une aventurière... Ne regardez pas les films, vivez les... C'est ce qu'il dit à ses amis. Certains voudraient tout quitter, mener une vie comme la mienne, mais... ils ne le feront jamais. Certains ont peur de leur ombre... Je sais... Je lui parle de ceux pour qui la montagne est un mur qui les empêche de respirer. Ils ont besoin d'océan, de cette sensation d'horizon infini pour se sentir bien, pas oppressés. Et pourtant ... En Bretagne, quand tu regardes l'océan, tu vois la courbure de la Terre, tu vois que l'horizon n'est pas infini, que la Terre ne fait que 40000km de circonférence... Quand tu regardes une montagne, même si elle peut te sembler écrasante, elle ne l'est pas. Elle est pour moi comme la première marche d'un escalier qui monte vers le ciel, vers le vertical, la seule dimension vraiment infini, l'horizon ultime car il n'y a pas d'horizon... J ne dit rien, que pourrait il dire... çà me rappelle cette phrase que m'a écrit "my stupid english boy"... Je voudrais rester assis devant cet écran à relire et relire toute la journée ce que tu écris... Même avec mon mauvais anglais, faut croire qu'il y a des trucs qui passent... Quand je lui parlerai de J, par sms, que je lui dirai: "cet homme me regardait dimanche, de la vallée, et priait pour que je stoppe et que je redescende", il me répondra: " si tu le revois dans la semaine, dis lui que je l'aime". Mais va résumer la conversation... pfffff... Je lui dirai: je n'ai rien à perdre (à part mes enfants bien sur), je ne construit rien, je me contente d'avancer, c'est du ici et maintenant... Il me dira: j'ai déjà tout perdu, 3 fois... Ben ouais... la Laouen elle ne peut rencontrer que des écorchés vifs, ayant soigné leurs blessures avec de la neige glacée, celle qui brule parfois, ou avec le sable brulant du désert... Ceux qui ont atteint un certain... état. Un état qui ne se nomme pas. Juste ce ciel, qui parfois se partage... Après avoir mangé (chaud, enfin!) et croqué du chocolat, nous nous baladons sur la piste de bobsleigh (pour amateurs), J me serre la main, et reprend son bus. Je file marcher vers le lac, le long de la rivière, jusqu'à Valüna. Sans raquettes, dans la neige jusqu'au.. ciel. _smallP1020476 Vers la piste de bob, Sücka _smallP1020477 Le panneau nous demande de garer nos voitures en ordre... euh? quelles voitures? euh? quel ordre? euh? où exactement? sous 3 mètres de neige? :) Et maintenant, çà descend! _smallP1020478 _smallP1020479 _smallP1020480 _smallP1020481 _smallP1020483 Et ensuite, j'ai plongé dans le bleu étrange du lac.. Ganglesee- Steg _smallP1020487 _smallP1020488 _smallP1020490 _smallP1020492 _smallP1020493 _small_smallP1020496 _small_smallP1020497 _smallP1020506 _smallP1020509 _smallP1020502 Comment? Trop de photos tue la photo? Et trop de bonheur tue le bonheur? pffffff... keep on smiling! Trop n'existe pas _small_smallP1020516 _small_smallP1020517 Je valide mon post ici, craignant la disparition de toutes ces photos pour cause de Canalbug!
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Commentaires
C
Je ne sais que dire à part le constat de la beauté et l'intérêt de tes rencontres.
J
Magnifique balade dans le grand blanc et ces sommets on se régale Merci !
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