An Oriant (3)
Début du récit ici, et suite là.
La vase est glacée, et elle m'embrasse, m'engloutit...
Au plus tu luttes, au plus elle s'agrippe à toi...
Les bateaux lui ont offert leurs trente mètres de bois.
Je n'ai que deux pieds, chaussés de bottes trouées.
Rapidement la vase pénètre par les fentes, ainsi que les cailloux, et les débris de coquillages.
Je pense un instant les ôter, et avancer pieds nus, mais ce serait une folie: je ne sais pas ce qu'il y a dessous, et de nombreux tessons de bouteilles laissent dépasser leurs arêtes tranchantes du piège argenté.
Je me retrouve envasée, tombe à genoux, persiste. Mes bottes restent prisonnières. Je libère mes pieds, les pose sur un caillou, tire, tire, récupère mes ridicules protections de caoutchouc.
Je le savais.
Les bateaux ne s'atteignent pas...
Près de la rive deux tas de bois crevés se laissent approcher mais pas toucher (la vase est trop profonde), pour peu que l'on ait pas peur de se salir, de tomber, de se tordre la cheville, de plonger dans l'innommable et l'inconnu.
Deux tas de bois, 30 mètres de longs, noirs, en putréfaction, recouverts de plantes marines libérées par les grandes marées.
Brisés. Ecartelés par le temps. Des membrures rongées par les années il ne reste que quelques poutres dressées, broyées, des clous rouillés n'accrochant que la lumière qui se refuse aujourd'hui.
Ici, Groix n'en finit pas de sombrer. Et An Oriant mérite son nom. Pour le thonier groisillon, là bas, mouillé dans les anses du bateau-ile de quelques kilomètres de long, An Oriant est à l'Est. Là où le soleil se lève, là où il est aller se coucher.
Presque un siècle qu'ils sont là.
Non, la tristesse ne mouille pas ici. Ici, tout est paix, et non attente.
D'autres photos de Kerhervy plus tard, si mon écran me permet de les visionner avant de les poster.. (grrrrrrrr)