Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
face au vent-avel a benn
5 octobre 2007

dredi story

Ce matin, 4h30...
"çàpeuxpluscontinuercomçà" (voir ici pour ceux qui n'ont pas suivi, et les posts plus récents) ne me serre toujours pas la main.
Par contre, il est tout mielleux...
Bizarre...

Hier, le régleur m'a confirmé que "çàpeuxpluscontinuercomçà" m'avait dans le pif. La prochaine à virer, c'est moi..
Il n'y a absolument rien à redire à mon travail, mais ce sera facile de convaincre le patron que fin novembre il ferait mieux d'embaucher un vrai tourneur de métier que de renouveler mon contrat.
Bref, il ne m'aime pas...

Pourtant, ce matin, il était tout miel...
C'est à dire qu'il m'a expliqué comment terminer son travail. Qui logiquement aurait du être déjà fini. Si les têtes pensantes avaient un cerveau qui fonctionne...
J'avais déjà tourné cette pièce, mais j'ai écouté ses explications car je suis quelqu'un de poli.

La cadence demandée était hallucinante.
Les têtes pensantes devraient parfois se reposer... Même "çàpeuxpluscontinuercomçà" n'arrivait pas à suivre, et il avait bien raison!
En effet, comment voulez vous sortir 30 pièces en une heure alors qu'il faut 2 minutes et 10 secondes pour faire une pièce?

2 minutes et 10 secondes, c'est dans le meilleur des cas.
Mais "çàpeuxpluscontinuercomçà" a galéré... Sur l'établi, il y a au moins 30 pièces daubées, dont 5 ou 6 bonnes à jeter. Les autres seront à retourner.
Alors "çàpeuxpluscontinuercomçà" évite de se la péter devant moi, et joue le mielleux... Vaut mieux, car il a largement battu mon record perso de pièces ratées sur ce genre de travail...

Cette pièce, ce maudit bout d'alu, fait cauchemarder tout l'atelier ( et les têtes pensantes qui surchauffent un peu trop ) depuis un mois. Et ce n'est pas fini..
Chacun plante ses 20-30 pièces à chaque usinage, à la base il manquait de la matière première, logiquement, il en manque un peu plus à chaque opération, et les 1000 pièces sont loin d'être terminées.

"çàpeuxpluscontinuercomçà" a été embêté par une histoire de trou, un tampon (tige d'acier calibrée) qui entre, mais qui ne ressort pas de l'autre côté.
Le problème?
Toujours le même... L'alu chauffe, un copeau fond, et se colle sur la partie coupante de l'outil. L'outil merde...
Je connais. J'ai déjà subi le truc, y a rien à faire sinon racler l'outil. Je le savais, je ne dis rien, ne pas vexer "çàpeuxpluscontinuercomçà".

"çàpeuxpluscontinuercomçà" me montre ce qu'il faut faire: gratter fortement l'outil avec un tournevis (attention à pas tout péter) avant de lancer le cycle.
çà rallonge encore de 12 secondes le cycle.

"çàpeuxpluscontinuercomçà", champion du tournage rapide (faut le reconnaitre, 40 ans de métier!), a sorti 24 pièces/heures, quand il a eu fini de tout merder pendant 2h...
J'en sortirai 23 parce que je vérifie à la colonne chaque pièce, vaut mieux...

"çàpeuxpluscontinuercomçà" est resté faire 1/2h de rab sur une autre bécane (il fayote à mort). De temps en temps, il passe et me demande: çà va, pas de problèmes? en regardant le tas de ses pièces ratées.
Non non, tout marche impec! dis je, une auréole de sainteté et d'humilité autour de la tête...

A 7h45 j'ai fini mes pièces...
Tout est nickel. Le régleur arrive, et reste effaré devant le tas de pièces à refaire. C'est po moi!!! dis je. Rapporteuse!
Normal non? Je lui montre l'outil, où j'ai laissé incrusté le dernier copeau d'alu, pour qu'il comprenne.

Nettoyage de la machine...
Re-tournage des pièces ratées de "çàpeuxpluscontinuercomçà"...
euh? On aurait pas pu les re-tourner avant de nettoyer, faut que je recommence... grrrrr

Grand nettoyage de la machine...
Un client vient visiter l'atelier! Branle bas de combat, tout le monde est sur le pont!! Les ouvriers ont l'ordre de tout balayer nettoyer frotter avant la venue du client, et ceci, pendant que leurs machines tournent.
Les tas de saletés s'ammoncelent. Certains coins n'ont jamais du être balayés depuis... un certain temps.
Je dois même passer mon tour au dégraissant, pour qu'il brille!
euh?
Même propre, c'est clair que la pauvre chose a 20 ans et aurait besoin d'être reconditionnée! et mise aux normes actuelles!

Gros merdage sur l'autre tour, où je devais bosser...
Je me retrouve armée d'une pointe aiguisée "maison" à ébavurer des pièces alu (toujours les mêmes). Un truc de dingue... Faut un microscope pour voir l'endroit à gratter, et même les gars habitués s'arrachent les cheveux...

Midi...
Le client arrive, avec le grand chef, ils font le tour des machines, enjambent les caisses, suivent les fausses pistes des labyrinthes..
Ah oui! J'ai oublié de vous dire: je bosse dans un labyrinthe.
Quand je suis arrivée, il y avait un grand portail au bout de l'atelier, donnant sur la cour, et les bennes pour jeter les copeaux (en portant la brouette, à bout de bras, à deux).
Petit à petit, les livraisons de caisses de matière première ont encombré le portail, et désormais, pour acceder au dehors, il faut zigzaguer entre les machines. Sans mentir, c'est hallucinant.
De plus, les caisses ou les charriots porteurs de 500kg de ferraille sont parfois déplacés. Ce qui fait que, avec une brouette de copeaux, dégoulinante d'huile (elle est trouée) et pesant un mort, on se trouve souvent devant un obstacle infranchissable. Faut manoeuvrer, sans renverser la brouette, entre les charriots, faire demi tour, et chercher une autre issue vers dehors. Nous perdons tous un temps fou!
Et le pire, c'est qu'ensuite il faut refaire le même chemin avec un balai pour tout nettoyer (les copeaux tombent) et mettre de la sciure partout pour éviter de glisser!
Depuis 2 jours il est totalement impossible de rentrer la brouette, plus rien ne passe.
Alors, quand je nettoie le tour, je mets les copeaux dans une petite caisse, que je porte à bout de bras, et je zigzague vers la sortie, enfin.. je cherche la sortie. Parfois il me faut monter sur des caisses, et marcher dessus (certaines font 10m de long)

A midi, pendant que le patron et le client cherchaient eux aussi la sortie, je me retenais de hurler de rire...

Il m'est venue à l'idée, de demander au patron, alors qu'il passait à côté de moi: svp, si il y a  un incendie, la sortie sera fléchée j'espère?
Je me suis vue, kamikaze de l'emploi, déballer toutes mes questions, du genre: mééééé, le mélange d'huile lourde que vous nous faites respirer quand on taraude, c'est légal de le faire sans masques?
Ou bien: et le tour, avec sa sécurité débranché, vous en avez parlé à votre client?
Et... la liste aurait été longue...
Bonjour la bavure!

Inutile de préciser que j'aurai été virée sur le champ...
Mais y penser m'a fait rire intérieurement... Et supporter l'ébavurage pendant quelques minutes...
Le client ne nous a pas adressé la parole, le patron non plus d'ailleurs. Habituellement il vient nous serrer la main à tous. Mais là c'était sérieux! La visite a été rapide.
Nous n'étions que des marionnettes sages, un peu emmêlées dans nos fils.
Nous avions tous pris un air inspiré, agrippés à nos machines ou à nos outils, et si personne ne chantait "je bosse à l'usine et c'est ma joie" c'est que le bruit aurait couvert les paroles...

Midi trente...
La meilleure heure de la journée du vendredi pour  l'équipe du matin.
Le client est parti, nous pouvons recommencer à salir l'atelier. Qui d'ailleurs est franchement sale, même balayé. Ce n'est pas notre faute: on nous impose des cadences, on n'est pas payé pour nettoyer, mais pour produire.
Et la ferraille grasse, l'huile, la limaille, çà n'a jamais été propre. Et çà n'a jamais senti bon.

Quoi? On pourrait mettre du parfum dans l'huile? Ben oui... Hugo Bosse, et Laouen tourne...

Publicité
Commentaires
Z
C'est "Zola" En 2007....La Question "Qui-Tue" a ne poser qu'au Patron (avant de se faire virer) Vous ne passerez jamais ISO 2002 !!!S'il ne comprends pas tout de suite....Ca devrait Germer..Courage!!!!
A
C'est vrai que tes récits sont très intéressants, souvent captivants. A défaut de te rebooster le moral - il en faudrait plus, j'imagine...<br /> Et à défaut de retrouver un autre job humainement tenable, tiens au moins six mois...
J
Pas grand chose à dire ton récit nous intéresse toujours, les odeurs d'huile ca doit tourner l'estomac je suppose :o( Courage !
C
Dur dur encore ce soir. Ce que tu racontes me perturbe toujours. Que je le veuille ou non, je t'imagine dans ton atelier avec les images que j'ai dans ma tête. C'est-à-dire que je t'y vois dans un des ateliers où mon père a travaillé. Cela me fait bizarre. C'est comme un retour en arrière pour moi, mais comme l'usine de mon père est morte. Sérieusement, je crois que si je pouvais visiter un atelier comme le tien, ça me ramènerait un peu plus dans la réalité du XXIe siècle.<br /> En tout cas, bon courage pour la suite.
Publicité
Derniers commentaires
Publicité