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face au vent-avel a benn
28 août 2007

il n'y a pas de fin...(bis)

Et voilà.
Dernier épisode de ce récit commencé ici
D'ailleurs, il n'a pas commencé ici, ni ailleurs. Il n'a pas de début, et pas de fin.
Disons que le récit de mon deuxième voyage au Liechtenstein en ... 13jours a commencé par ce post ci.
J'ai tapé trop rapidement, pas grand monde n'a suivi. Qu'importe, je ne m'attendais pas à ce que la foule suive.
Je viens de recevoir 3 photos par mail, je pleure encore. Le mot "partage" est un mot merveilleux...

Dimanche matin, 6h environ.
J'ouvre un oeil. Une lueur rouge marque l'Est. Silence.
Un petit vent frais balaie la pente, je le sens sur mon visage quand je tourne la tête vers la droite.
Je ne veux plus dormir sous une tente, jamais. Sauf si déluge! Et ma tente n'est pas imperméable.
Quand on a dormi dehors, il semble inconcevable de s'isoler de la nature par une paroi opaque, même fine.
Je n'ai passé réellement que deux nuits à la belle étoile.
Une nuit de juillet 2005, à même le sable tiède du Wadi Rum, Jordanie.
Et cette nuit, à même... la crotte de vache sèche.
Dormir dehors, ce n'est pas vraiment dormir. C'est un peu comme faire une pause pour prendre un nouvel élan. Accorder son corps au rythme lent de la nuit.

Dormir dehors c'est devenir soi même pierre des éboulis, herbe des alpages, reflet de la lune sur la pente, infime partie du ciel.

J'attends 7h pour me tirer hors de mon sac de couchage. L'extérieur de la tente qui m'a servi de sursac est sec, le vent l'a protégé.
L'intérieur, ainsi que l'extérieur de mon sac de couchage sont bien humides, condensation. Mais le sac était bien étanche, j'ai eu très chaud.
J'avais protégé mon sac à dos par son sursac imperméable. C'est toujours gênant de retrouver son sac humide. Mes chaussures de marche étaient dans le sac.
Le vent souffle régulièrement, il n'est même pas froid.
Allumer le réchaud va être plus difficile qu'hier soir. Je fais rempart avec mon corps, et j'arrive à faire chauffer de l'eau pour le thé, et pour diluer la dose de lait en poudre (je déteste mais besoin de lait). 11 allumettes seront nécessaires, le réchaud ne s'éteindra que 2 fois.

Ma tasse dans la main, je grimpe un peu plus haut dans l'herbe déjà dorée, chercher le soleil caché derrière les géants de pierre.
Dans le Wadi Rum, je m'étais levée à 5h du mat, et j'avais marché lentement une bonne heure, pieds nus dans le sable, pour m'assoir en tailleur face à l'Est et recevoir le soleil, après avoir contourné un Djebel de 1200-1300m de haut.
Ici, je suis très haut, et le soleil se hisse rapidement jusqu'aux sommets.
Amusante image que celle ci: le soleil, immense et si lointain, qui parait "plus bas" que ces sommets de pierres, si humbles face à lui.

Personne encore. Au refuge, les marcheurs qui ont dormi là haut doivent déjeuner. Malbun dort encore, et personne n'a su ce matin aimer la pente au lever du soleil.
Soudain, en direction du refuge, j'aperçois une silhouette dans le virage. Un petit tour rapide, quelques mètres sur la pente, et il s'en retourne vers l'invisible.
"Il", c'est le berger. Enfin, le vacher. Un peu plus bas, il y a un bâtiment qui sert certainement d'étable. On appelle çà une bergerie quand elle accueille des moutons. Doit on dire alors une "vacherie"?
Le berger va au refuge le soir, nous l'avons vu. Parfois il s'en retourne vers son abri, légèrement éméché, d'un pas rapide.
Les vaches paissent librement sur les pentes. Certaines se prennent d'ailleurs pour des chèvres, n'osant pas aller vers l'étage des bouquetins, qu'elles ne peuvent atteindre, et qui ne les intéresse pas car dénué de toute herbe à brouter.
Mais il y a sur ces solitudes immenses des hommes qui vivent ici, et qui jettent de temps en temps un regard sur les troupeaux.
Je suis née pour être bergère, je le sais. Un jour, quelqu'un qui était mon Ami me l'a dit sérieusement: tu aurais du être bergère, tu es faite pour çà, la montagne, les animaux, la solitude...
Oui, j'aurais du. Mais j'ai deux enfants qui ne me suivraient pas au coeur de la montagne... Alors je suis bergère sans troupeau, je les garde, je me garde, je garde cet Amour qui paît librement, sur les alpages de ma vie.
Le verbe "paître" est une merveille à conjuguer.. Regardez: je pais, tu pais, il paît... Et à  l'impératif: Pais!
Paix...

Il va me falloir redescendre. Vers Malbun, puis vers la France, 1200km plus loin.
J'ai fait sécher le sac, qui terminera son séchage déplié dans la voiture,  mais je dois tout compresser pour faire mon sac à dos.
Moment d'émotion, à l'instant même où je pose le pieds dans la descente.
A bientôt, me disent les sommets en silence. Même pas d'ailleurs, car ce n'est que mon enveloppe corporelle qui attaque la descente.

Deux silhouettes montent de Malbun. Deux "personnages", éclairés par le soleil levant, mais n'ayant aucunement besoin de lumière, ils rayonnent largement par eux même.
Deux hommes assez âgés. Leurs vies se lisent sur leurs corps, maigres, aux angles acérés, à la couleur brune de ceux qui sont nés et qui ont vécu ici, sous le soleil des montagnes.
Point de "vêtements techniques", des vieux shorts larges, des débardeurs qui laissent voir des muscles vifs. Ils doivent approcher de la soixantaine, et ont appris à marcher sur les pentes avant même de savoir comment se prononçait le mot "plat".
A la main, un seul baton, et un vrai: un bout de bois immense. Pélerins des cimes.
Je me range pour les laisser grimper, mais logiquement ils entamment la conversation. Le plus âgé s'étonne, en "suisse", et me lance un truc qui doit signifier (je comprends au 3/4): il est bien tôt pour redescendre du refuge!!
C'est vrai, quel gachis de quitter les sommets à 7h45!!
Je leur explique que j'ai dormi à Täli Höhe, et non au refuge.
Le montagnard pur parle peu. Sourire et regard de celui qui "comprend".
Aucune allusion au froid, à la peur, ils savent que celui qui a dans l'idée de dormir là  haut ne craint ni le froid ni la peur de se retrouver seul en pleine nature.
Il me demande des détails: à quelle heure la lune est apparue? Je donne une estimation, parle du rocher derrière lequel elle se cachait.
Et me revoici encore à raconter mon voyage... Les enfants, le Naafkopf, le demi tour, la France, le retour ici, le sommet, etc...
Quels âges les enfants? Oh... mais çà va à cet âge!!
Oui... A 7ans ils devaient déjà se dévorer le Naafkopf au gouter, çà se voit. Ce sont des "locaux", et ils le confirment.
Alors ils me parlent de leur but du jour: nous allons un peu sur la droite du Naafkopf, sur le plus haut sommet du Liechtenstein.
Je dois briller par toutes mes pores....
Le Grauspitz!! On peut y monter?
Bah... C'est qu'il n'y a pas aucun sentier bien sûr, mais nous avons le notre répond l'homme avec un sourire  malicieux.
Et il rajoute: venez avec nous!
Je me réduits lamentablement à un petit tas d'éboulis ridicule... Ben je dois rentrer en France immédiatement, j'ai 1200km à faire aujourd'hui.
Tain me dis je... C'est pas tous les jours que tu croiseras quelqu'un qui monte vers un "hors sentier". Le jour où tu reviendras ici, même si tu veux y grimper, tu ne pourras pas, sauf miracle. Car il n'y a pas de canard local où tu pourras écrire "cherche marcheurs connaissant la voie pour grimper sur le Grauspitz..."
Même en restant une semaine au refuge, je risque de revenir bredouille...

Mais la vie est ainsi. Laouen est libre comme le vent des montagnes, mais Laouen est mère, et Laouen doit rentrer.

Dommage répond le montagnard. Bonne journée, bon retour et...
il rajoute la phrase déjà entendue hier soir, par deux fois:
"j'espère vous rencontrer à nouveau ici". Avec un tout petit rajout, plein d'Amour dans la voix: "dans le plus pays du monde".

"Oh que oui" dis je...
Car je reviendrai, c'est sûr. Ce pays de 24km de long est une pure merveille. Je pourrais écrire "à dimension humaine", mais qui peut se vanter d'en connaitre chaque mètre de sentier?
Qui peut même, connaissant chaque mètre de sentier dire qu'il en a vu toutes les facettes?
Je reviendrai, marcher vers le Grauspitz, et tenter le Rätikontour, à cheval sur  les 3 pays, en version purement alpine, puisque grimpant jusqu'à Schesaplana 2965m.
Quand misérable vermisseau de première classe Laouen aura pris du galon.
Ben... ce n'est pas par ici que je vais en prendre!! Ou alors va falloir que je me tape des aller retours dans le Val... sans Retour en courant au galop, les yeux bandés, et sous le déluge pour "m'assurer les pieds".
Et que je m'initie à l'escalade, aux cordes, et au piolet.

Malbun s'éveille, le parking se remplit, quasi exclusivement de Liechtensteinois sortis des vallées.
Moi, je pars.
Cette fois ci, je jette un regard en arrière et salue le village en lui disant tout haut:
Au revoir! Cette fois ci je ne reviens pas la semaine prochaine! :-))

Couic dans la gorge, je n'y peux rien.
C'est parti pour 1200km.
Bouchons monstres dans Zürich, qu'importe...
Frontière à Bâle. Le premier bourg français et la jolie ville de Saint Louis.
Quitter la Suisse (ou l'Allemagne) pour l 'Alsace, c'est une transition supportable. Je ne m'étends pas sur le sujet...

Pause gasoil à Vesoul (envie de faire demi tour). Pause pipi à Sens (ce n'est pas interdit).
Traversée de la Francillienne hyper facile: 25 min pour faire Melun entrée de l'autoroute qui file vers l'Ouest. J'aurais pu faire mieux, mais je suis raide morte.
Pause "survie" à l 'entrée en Bretagne, 40km avant Rennes. Je n'ai quasiment rien mangé depuis hier soir, à part 2 cuillères de muesli ce matin, un petit bout de saucisse à midi, et un peu de chocolat noir. Pas faim...

Je roule au radar, vitres baissées, musique à fond...
On aura le temps de dormir quand on sera mort disait le sms...
Sortie de la voie rapide à Guer. 
Tout près, je vois la forêt, et le soleil se couche sur Coët.
Le soleil immense me fait un clin d'oeil, et me dit:
ok, c'est pas la montagne ici, mais je suis le même soleil. Tu te souviens de ces quelques mètres carrés de terre humide que tu dis être "le plus endroit de toute la Bretagne intérieure"?
Je réponds au soleil: oh que oui je m'en souviens. J'y ai vécu des moments intenses, et j'en vivrai encore. Entre l'étang et moi, un partage.
Mééééééé... stp soleil, j'ai le droit d'aller dormir un petit peu avant?
Juré: je meurs pas!
:-))

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Commentaires
L
Mahina, çà ne m'étonne pas de découvrir ton commentaire, sur ce post là.<br /> la montagne rapproche ceux qui l'aiment
M
merci pour cette séquence...sourire ..<br /> je reprends pour moi tout ce passage:<br /> "Alors je suis bergère sans troupeau, je les garde, je me garde, je garde cet Amour qui paît librement, sur les alpages de ma vie.<br /> Le verbe "paître" est une merveille à conjuguer.. Regardez: je pais, tu pais, il paît... Et à l'impératif: Pais!<br /> Paix..."<br /> Merci!!!
J
Juste et sincère ce récit Merci pour ca !
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