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face au vent-avel a benn
12 avril 2007

Westweg 7 Glaswaldsee (2)

Petit déjeuner en plein soleil. Je traine. Aujourd'hui, je ne marche pas, ou si peu. C'est bon.
Je regarde l'état de mes pieds. La grosse ampoule ne me fait plus souffrir du tout.
Que faire lors de ma prochaine marche?
Momifier mes pieds à l'élasto? Je vous jure.. çà ne respire pas là dessous, pas du tout.
Ne rien mettre? Soit çà passe, soit mes pieds se transforment en une ampoule géante. J'ai testé le premier jour, çà n'a pas empêché les échauffements.

Je suis une pro de la réparation d'ampoules!! génial, je peux appuyer fortement dessus,  rien!
Pour vérifier, je sors de mon sac à dos ma presse hydraulique. Je ne m'en sépare jamais, ainsi que de mon enclume: on ne sait jamais, un oeillet de chaussure à retordre...

Plein soleil, thé chaud... Je regrette presque le gout "spaghetti boisson énergétique fruits de la passion".
Souffrances, privations, bobos, tel est le fruit de la passion?
ou pourquoi pas : thé lait le fruit de la passion?

Le soleil éclaire la forêt sur ma droite... Je peux toucher la lumière.

Les oiseaux viennent à quelques mètres de moi. Tout à l'heure, les 3 canards sont sortis de l'eau, ils étaient à 3m de moi.
Photo? Non, je vis.
Ils reviendront me voir souvent... Paresseuse, je les prendrai en photo, au zoom, rendant flou la jolie cane aux ailes rayées de bleu.

Oui, ici c'est le plus bel endroit du monde.
Enfin... Je sais bien qu'il y a plus beau au monde.
C'est simplement, le plus bel endroit de mon monde.

414_glaswaldsee

Loin de tout, sauvage, quasi inconnu, tout brodé de sapins, ouvert sur le ciel. Rien d'exceptionnel, rien d'hallucinant, rien de grandiose.
Une lumière douce, des ombres voyageuses qui écrivent le lac sur le tronc des sapins.
Des reflets intenses sur l'eau noire, le chant continu des oiseaux, le silence apaisant d'une porte ouverte sur ma cinquième saison, une autre dimension.

424_glaswaldsee

10h14... Le premier promeneur pointe son nez au bord du lac...
Je ne m'en occupe pas. Le soleil est à mes pieds.

425_glaswaldsee

De la cabane où je dors, voilà ce que je vois:

427_glaswaldsee

11h 45. Je vais monter vers le point de vue pour tenter de joindre mes enfants au téléphone. Ils ne m'ont pas eu depuis hier matin.
Je découvrirai ce soir que le téléphone marche aussi près de la cabane, si on sait bien "viser le ciel"...
Avant, je fais lentement le tour du lac.
Venez, je vous emmène...

(pour ceux qui ont lu "octobre2005", vous allez revoir quasiment les mêmes photos, je vous préviens!!)

429_glaswaldsee

432_westweg_glaswaldsee

436_westweg_glaswaldsee

En grimpant vers le croisement nommé Seebene, je croise 4 randonneurs lourdement chargés. Matelas mousses, gamelles, tout pendouille des sacs.
Angoisse: damned!!! ils vont s'installer dans la Hütte à coup sûr! Je dors où?
Pff, je les pousserai, noméo!!

Car je n'ai pas laissé matelas, sac de couchage et sac à dos dans la cabane, logique. On est le week end, et je sais que ma journée pause/méditation au bord du lac devra me demander un certain effort: oublier le bruit et le passage de ceux qui comme par hasard auront choisi de poser leurs fesses à 50cm des miennes...

J'ai caché eau, et vêtements entre des rochers. Mais pas le sac, faut pas pousser. Le porter dans la côte ne me gène pas, même avec matelas, sac de couchage et bouffe, et le résultat est le même: la cabane est vide, disponible, que tout çà soit caché ou sur mon dos.

Je  passe mon coup de téléphone, et je fais un crochet par mon point de vue caché. De là, je pense au Feldsee qui lui ressemble tant, en plus monumental, mais qui n'arrivera jamais à me toucher pile poil là, là où çà fait pas mal, là où çà AIME. (vraiment).

438_glaswaldsee

Tit coup de zoom:

439_glaswaldsee

Rassurez vous: vous allez échapper aux tirades lyriques sur le lac, aux grandes envolées poétiques à grand coup de mots qui déchirent.
Ceux qui m'ont lu en octobre/novembre 2005 respirent...
Je pourrais vous en faire un roman mais je m'abstient, seul le silence est beau.
Euh... Je crois bien que j'en ai fait un de roman... Faut que je cherche... Ah oui, il est là!!!

Je viens de feuilleter quelques pages... Wow, çà me fait toujours bizarre. Fou ce que la douleur sonne bien dans les mots. Je cherchais un passage où seul l'amour pour ce petit coin de forêt se lisait, sans l'empreinte de la douleur dans chaque mot.
J'ai abandonné!
Je crois que je vais passer de longues heure à revoir ce bouquin, pour tenter de le rendre lisible par un éditeur. Désormais, j'ai la force de le réouvrir.
Je sais ce qui demeure en moi, je ne suis pas prête à affronter mes fantômes, car je refuse le mot "affronter". Je ne me bats plus contre ce qui ne s'atteint pas.

Pour l'instant, je cours dans la descente. Comme si c'était nécessaire... Mais j'ai hâte de rejoindre la Hütte, d'y laisser ma trace histoire de dire "moi dodo là cette nuit noméo", et d'aller m'assoir en plein soleil, auprès de l'arbre.
Je m'en doutais... Les 4 gars ont posé les sacs contre les escaliers, déballé matelas sur l'herbe, et se reposent. Je les ai salué quand je les ai croisé, je ne perds pas de temps  pour les présentations.
Laouen, fauve des montagnes déboule dans la cabane, pose son sac, l'ouvre, sort plastique le déroule. Je gonfle le matelas énergiquement, déplie mon sac de couchage. Je cours entre les rochers, ramène l'eau et mon oreiller (mon sac poubelle de fringues).
Et je ressorts... Avec l'impression d'avoir fait pipi contre l'escalier et laissé ma "trace".
Si ils veulent dormir ici, z'avaient qu'à déballer leurs affaires avant. Je partage l'espace, mais j'ai choisi ma place.

Près de l'eau, à 50cm des marcheurs, je lave mes chaussettes au savon d'Alep, et je fais sécher mon caleçon, l'aprem sera chaude, une seule couche de pantalon suffit.
Puis je m'installe armée de mon couteau et de ma saucisse, et j'en croque un bout.

Le plus proche des marcheurs étalés au soleil entame la converse.
Je leur résume mon trajet, et explique, mettant les points sur les "i": j'ai dormi ici cette nuit, je suis montée là haut pour téléphoner.
Moi j'ai 3 bâtons me réponds le type.
Bah moi j'en ai que deux pourrais dire, un dans chaque main, mais j'évite car je ne fais que traduire par "bâtons" le mot allemand qu'il a employé pour parler du réseau téléphonique capté par son portable.
Les 3 autres ne parlent pas, ils semblent se remettre d'un tour du monde en moins de 21h56min de marche.
Je discute semelles et chaussures avec le gars. Neige et montagne aussi. Je ne pige pas tout, mon allemand déclarant forfait.
Le gars me demand: Et vos pieds? Je les lui montre, il ne dit rien: j'ai les pieds de quelqu'un qui a fait ce qu'il dit avoir fait...
Le type affirme sérieusement: avec la neige et la pente, 5km dans la journée çà suffit pour une étape.

pffff... Si il savait, etc...
Parenthèse: Je ne suis rien. Je veux dire par là que je n'ai pas grimpé le K2 en rollers, je n'ai pas sauvé l'humanité en marchant non plus.
J'ai juste souffert terriblement des pieds, en pesant sur le mot "terriblement", et juste aimé pourtant chaque mètre de chemin.

Je pourrais tenter de copiner, mais franchement je n'ai pas envie. Ce n'est pas que je ressente un furieux besoin de solitude (j'ai été seule pas mal de temps il me semble), mais je n'ai pas envie de parler. Soit ils le sentent, soit eux aussi aiment la solitude, car c'est calme ici...
Soudain, ils se rendent compte que l'heure tourne. Une petite faim?

Le "chef" dit au plus jeune (un mome de 16ans à peu près) d'aller ramasser du bois mort.
Je peste... Espace protégé feux interdits etc, ils ont du  lire le panneau. Mais bon, en Avril çà ne risque rien.
Je m'attends à quelque chose de rapide. Ceux qui font du feu emportent certainement des petits cubes pour allumer le barbecue. Du bois sec, des cones de sapins, y en a partout. Il a juste été mouillé des mois par l'hiver et la neige, mais c'est jouable.
Là, le plus costaud des 4 qui montre fièrement ses muscles dans un débardeur échancré, sort une hache de son sac.
Non, je n'exagère pas!! Une hache. Une vraie, qui doit mesurer 40cm, avec une lame costaude.
Euh? Ils n'ont pas assez de petit bois pour préparer le repas?
Je commence à envisager la soirée: feu de camp, et musique. Ils ont un mini djumbe dans le sac, çà va donner!
Le costaud part recouper à la hachette des morceaux de bois morts trouvés à terre. Ouf, il ne s'attaque pas à un sapin sur pied.
Et là, je rigole intérieurement.. La lame rebondit sur le bois, rien n'y fait, il finit par tenter de le casser en deux avec le pied.
Ecroulée de rire, mais gardant un visage imperturbable, je pense: m'enfin!! trainer autant de poids dans leurs sacs à dos!!!
Soit ils font la route sur 600km, et mangent au feu de bois tous les jours, soit ce sont des bouffons.

Et logiquement.. Un marcheur au long court pourra envisager le feu de bois pour éviter d'acheter des cartouches de gaz pour son réchaud qui pèse ...85grammes.. Comparez avec le poids d'une hachette.
Mais si il a de l'expérience, il ne mettra pas 3h à préparer un feu!!
Multipliez par 3, le nombre de repas. Il marche quand le gars?

Celui avec qui j'ai parlé 2minutes sort de son sac une espèce de grosse règle épaisse repliée en 3 partie. Là, il déplie les 3 parties, sort plusieurs lames de scie à dentures plus ou moins épaisses, et entreprend de monter sa scie à main.
J'ai de plus en plus de mal à rester imperturbable... Une scie!!!!!! Avec plusieurs lames. Mais çà doit peser un mort ce truc, ajouté à tout ce qu'ils trainent déjà!
Et bientôt, le pied à coulisse pour  mesurer le diamètre des branches à scier?
Le micromètre?
Le microscope électronique?

Ils sont super équipés: supergodasses, super sacs à dos, le top du top. Mais ils se comportent comme des bouffons, car le feu n'est toujours pas allumé.
Là, le monteur de scie sort du fromage et attaque son repas. Mais il va servir à quoi le feu ai je envie de demander?
Toutes les 6secondes (et 148millièmes) il consulte son téléphone portable.
Face à lui, je me sens comme "un vieux sage",  le Jeune Bouddha en personne, légère, légère... Et surtout NATURELLE. VRAIE.

Il déplie sa carte locale, hésite. Je m'étrangle avec ma saucisse. Durant toute ma marche, même au plus fort de la tourmente, je n'ai jamais mis plus d'une seconde pour trouver le point exact où je me situais.
Un regard vers sa montre GPS. Il cite 2 nombres, et enfin trouve le lac sur la carte, pourtant à une échelle correcte.

Si c'est une tentative pour "en foutre plein les yeux à Laouen", c'est totalement raté!!
Car j'ai plus envie de me foutre de sa gueule, mais alors gravement, que de lui dire "wahhhhh, comme vous êtes des pros, avec tout votre matos".....
Tain'.. Comment ai je pu  parcourir le Westweg, dont un jour avec visibilité nulle, sans boussole ni GPS?
Attention: la boussole, le GPS, je suis d'accord pour les randos en haute montagne, en hors piste total, etc.. Ici, j'ai fait du hors sentier en 2005, arrivant après 2h de marche à 50m exactement de l'endroit désiré. Sans boussole. Juste en regardant le soleil, ma carte, en réfléchissant d'après les lignes topo.
Cette année, j'ai suivi les sentiers, mais mes cartes ne se chevauchaient pas, j'avais des "blancs", comment m'en suis je sortie?
Comment ai je survécu sans GPS à l'enfer blanc du Felserweg?

Fatiguée de leurs efforts pour allumer le feu, je me lève, prend mon cahier, laisse toutes mes affaires dans la cabane, et file vers l'Arbre, vers le grand soleil sur la microscopique plage.

Je coupe le message en deux pour vous faciliter la lecture... La suite dans le post plus haut, logique

La suite du récit en cliquant sur "ici".



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Commentaires
L
Dourvac'h: si çà avait été des femmes qui se la pétaient, j'aurais fait le même récit!<br /> Jo est originaire du Sud, comme moi. Elle a donc tendance à abuser de !!! comme moi.<br /> :-))
D
Que de beauté en ton long papyrus... Les fées seules savent ce que "féer" veut dire : rendre enchanteur autour de soi... Pour la diatribe "anti-mecs" du commentaire ci-haut, j'avoue une certaine réserve...
J
Vraiment ... ces mecs ! Faut toujours qu'ils essaient d'en mettre plein la vue ! Tu aurais dù les écraser comme des mouches à M ... ! Ces gens là m'agacent au plus haut point ... Dommage pour ta solitude ... dans ce coin de paradis !
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