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face au vent-avel a benn
12 août 2005

Enez Sun...

      Une journée sur l'Ile de Sein au mois d'Aout, celà ressemble un peu au premier jour des soldes chez Harrods à Londres
"Poussez pas, y en aura pour tout le monde"!
M'en fous, veux quand même être là le premier
Queue pour se garer, queue pour retirer le billet, fille d'attente pour grimper dans le bateau
(j'ai changé le mot pour éviter le rabachage)

      Evidement, tout le monde se presse sur le pont supérieur, et les jumelles et autres numériques sortent des étuis
La brume a enveloppé le Cap Sizun, elle ne le lachera pas malgré la chaleur.
Brume d'Aout, invisible de la terre, mais qui ote tout contraste vue de la mer.
Non, pas de la mer. Ici, c'est l'Océan, avec un O.
Le bateau a du vécu, des heures de route, de tangage, de roulis, à lui seul il est déjà une legende.
Comme le vieux Enez Eussa, celui qui a traversé l'enfer liquide entre le continent et Ouessant, en largeur, en longueur, et aussi en ..hauteur
Ben oui, ici les vagues sont hautes

        Mais bon, Ouessant je vous en parlerai un jour. Entre elle et moi, c'est une longue histoire.  Un peu comme avec Aran, en Irlande
Je vous dirai pourquoi je n'ai jamais voulu aller à Aran, raison si etrange
Mais c'est une autre histoire.

        Donc, Sein. L'île. Je la regarde depuis des années, la voit briller sur un plateau d'écume blanche, surfant sur les rouleaux de la Baie des Trépassés.
parfois noire, contraste saisissant, éclatante sous un rayon de soleil jeté à travers le ciel déchiré.
Debarquer quai des Français libres, je ne l'avais jamais fait.

       Enez Sun remonte le cap, et la foule se presse. Ils veulent tous etre les premiers à photographier la Pointe du Raz vue de la mer. Déjà,là bas, je distingue La Vieille (nan , pas moi!) phare anguleux, et sa balise noire et jaune, noyées dans le brouillard.
Attention! plus que quelques minutes, l'angoisse monte d'un cran et les commentaires vont bon train. "C'est Plogoff, vous savez, le village d'irréductibles!"
Nan, "çà", c'est Primelin. Plogoff, on en aperçoit quelques maisons plus tard, mais les falaises sont hautes, il reste caché. Lescoff aussi, le bout du bout du monde
Village d'irréductibles, Plogoff est un mythe
Un endroit intemporel, perdu au bout du Cap, coincé entre un carcan religieux qui enserre toute la pointe Bretagne et les idées conservatrices des gens comme il faut.
       Et pourtant, l'impensable est pensé: Ici, dans cet endroit "nul", si plein de "rien", si "franchement qui va se soucier de çà", nos têtes pensantes vont construire une centrale nucléaire
Et le feu embrase la lande. A Plogoff, on découvre la Force: celle qui nait simplement en se prenant la main
Bon, en criant un peu aussi, et même beaucoup.
Et la Force est immense, elle renverse les méchants
Plogoff retrouve son calme, avec ce vent de liberté qui balaie les bruyères roses, presque palpable, et qui se lit aussi dans les pourcentages des chiffres froids des journaux, les lendemains d'élections
Hasta siempre la Revolucion

      La Pointe se déroule sur Tribord. Nous sommes compressés contre les barrières. Les appareils photos forment une haie infranchissable à la vue. Tant pis. Il me suffit de fermer les yeux et elle est là. Je l'ai vue , en vol, de là haut, jouant avec le vent de Suroit, de Noroit, de peu importe Quoit, mais de l'Ouest çà c'est sûr!

     Attention! 3, 2, 1.... Clic! C'est fait! hurle la foule
Dernier cailloux du continent, et commence le Raz.
La Vieille et sa balise ne tanguent même pas. Quelques franges d'écume, quelques ligneurs qui taquinent le bar endormi dans cette soupe plate.
Le froid est vivifiant, le vent glacé, iode en perfusion
Ce soir , les touristes vont bien dormir. Il faut minimum 8j pour s'y faire, même en Aout, même quand la mer a décidé de nous epargner, même quand l'air est pour moi presque sans gout, sans couleur, sans odeur.

     Salut ma Vieille! Je pense à ta soeur, La Jument, là haut plus au Nord. Tout au bout du bout d'Ouessant. Après Ouessant. Dernières pierres dressées par l'homme vers l'Occident.
Ma Vieille, parfois entièrement recouverte de murailles liquides
Qui n'a pas vu la photo?:
Un phare (La Jument je crois, ou La Vieille?) vu de près. Une porte entrebaillée, un homme qui se découpe dans l'ouverture. Et LA vague, qui passe par dessus, tout simplement.
Par habitude, parce que c'était sa route, parce que l'humain n'est qu'un petit pois perdu dans la masse bleue qu'il prend pour une décharge infinie mais qui de temps en temps se reveille et tape du poing sur la table.
Ben, la photo ce n'est rien
La taille de l'homme donne l'échelle de la vague
Mais il faut se ballader à coté pour imaginer
Lever la tête, se dessiner la vague en pointillés, en surimpression
Parce qu'il faut vivre ici en Hiver, quand la foule fuit l'Enez Sun
Quand les sachets plastiques s'arrachent sur le bateau

Quand la mer ne vous tombe pas dessus parce que vous êtes déjà dedans.

         Raz de Sein.
Regarde! regarde! l'écume, le courant, le....
Sourire interieur. Il n'y a rien, rien du tout, la mer est plate, même pas comme un hérisson écrasé car alors pointeraient encore quelques épines.
Et Sein, là bas, dans la brume, qui se rapproche
Accostage. Cohue généralisée. On est monté les premiers, on veut descendre les premiers!
On a payé, on veut profiter de chaque minute!
Amis Senans, c'est parti pour l'invasion
Nan, chuis pas méchante avec le touriste, mais quand je débarque dans un lieu "occupé" j'ai toujours tendance à m'inquieter pour le local
Le Tourist Watching à Sein c'est passionnant, çà rapporte du fric, mais on doit regarder sa montre sur Sein certains jours

        Sur Ouessant, 8km de long environ, çà passe encore, mais ici!
2.5km au maxi, entre les 2 langues étroites. Mais tout le monde est concentré sur 1.5km au maxi.
Premier contact avec les Senans. Etonnant!
La réalité parait il, c'est :un peuple rude, très religieux. Etre doc ici ce n'est pas facile
Allez demander à une vieille Senane de se deshabiller, ou même de se confier...
Et pourtant, au premier abord, les habitants sont accueuillants, et très serviables
Habitués à l'invasion
En prison sur un cailloux minuscule?
Peut être, mais quand je repartirai j'aurai senti un vent de liberté immense traverser ce tas de cailloux.
Sein, ensoleillée, calme, gaie.
Qui, à ce moment, pense à l'enfer du reste de l'année?
Les semaines sans y voir plus loin que le bout de son pied?
le brouillard dense, la corne de brume qui  hurle 24h/24?
Et le vent qui s'engouffre dans les ruelles si étroites?
Et l'eau , qui recouvre tout, pauvres maisons serrées, altitude 2m02,459?
Ne pas lutter. Attendre.

      Pause boissons fraiches, et là, une vague de plaisir sauvage m'envahit
Mon fils demande un Coca, et la dame répond: Pas de Coca
Un Pepsi alors? Nan, non plus
Quelque chose qui ressemble à du cola?
elle répond: y a autre chose à découvrir dans la vie!
ALLELUIA!!!!!!
Word Company est partout, même dans le desert jordanien, mais pas ICI!
Merci Sein pour ce moment intense
OK, dans les autres bars ils en ont du Coca, mais pas ICI, et c'est ICI que nous sommes venus boire.

       Ballade vers le phare. Noir et Blanc. Fier et Breton, ou Breton et Fier
Sein, écrit en grosses lettres noires
Plage de galets blancs et polis
Partout , dans les commerces, sur l'Enez Sun, est écrit:
"les galets de Sein sont beaux et paraissent en nombre infini
Vous en ramassez un, et ce sont 120000 par an qui disparaissent
Alors, svp"....
OK, les galets de Sein resteront à Sein. Sourire : chez moi, des cailloux s'entassent partout, ce sont quasiment les seuls souvenirs que je ramène de mes ballades!

       Justement, les pierres, parlons en
Ar Men. La Pierre
A peine visible dans le brouillard. Le soleil nous brule, le vent tempère nos brulures, mais la brume demeure.
Ar Men, une folie
Un cailloux accostable seulement quelques heures par an
Et ils ont construit un phare dessus!
Posé la première pierre, regardé la mer l'emporter
Recommencé, même pas roulés par terre en voyant la mer l'arracher encore.
Et encore, et encore
Et la première a tenu, ils ont posé la deuxième, elle est partie, a fini par rester.
Patiemment, rythmé par les minicatastrophes qui anéantissaient le travail de plusieurs années, les hommes ont elevé le phare.
Symbole de la tête dure des Bretons.

        Armen, c'est vers toi que je tourne les yeux.
Tu restes l'inaccessible.
Te froler, à peine, et déjà sentir la mer me rejeter
Même en rêve c'est impossible

         Retour vers le coeur de l'île.
Amusant, mais pour moi le coeur de l'île ce sont ses cotes déchirées, ses bouts de rochers comme semés dans l'océan, cette frange d'eau qui s'en va, qui revient, qui bat.
Donc, retour vers "la partie habitée de l'île"
De vieux vélos rouillés posés sur les clotures. Le grincement qu'ils produisent est alarmant , mais ils roulent.
Quelques jardins abrités où rougissent des tomates arrogantes et insolentes: même pas peur du mildiou!
Des charriots que l'on tire, chargés de valises, de courses, d'outils, de bric à brac.
La vie d'un Ilien , avec son je ne sais quoi de différent, fière et libre

       Et les enfants, les enfants de Sein. Locaux ou "touristes de longue durée revenus au pays.  Partout.
Ils crient, pédalent, rient
Et ils ont tous un point commun: ils sont noirs. Noirs de peau. Lentement cuite au soleil, doucement caressée par les vents. Dorés, éclatants, magnifiques, libres.

       Le bateau est là. File d'attente de touristes épuisés. Ils seront calmes au retour, une partie dormant, l'autre commentant mollement l'incommentable.

      Là bas, sur le cailloux, Sein respire
Les enfants aussi, et eux le font à fond
Ils continuent à pédaler, ils ne se sont aperçus de rien: ni de l'invasion, ni du départ de la masse
L' île est déjà à eux...

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Commentaires
M
bonjour<br /> <br /> tu nas pas vu la vraie ile, elle ne se decouvre pas en un jour, elle ne se decouvre pas en ete et surtout pas en aout...elle se decouvre en janvier ou en fevrier sous la tempete,c est a ce moment la qu elle fascine et que son mystere attire,quelle est belle tout simplement<br /> <br /> il ne faut pas decouvrir l ile quand elle est pleine de doryphores(les senans comprendront tous ce dernier terme), il faut avoir connu un raz de sein plein de strabouill avant de deboucher vers le neroth et de debarquer au menbrial ou sur la cale....<br /> <br /> il faut avoir ete pecher la vieille au poulhigennou (et chercher des garvettes quand la maree descend ) marcher sur les algues glissantes pour atteindre les miarkou, vitte pecher la vieille pour ne pas etre bloquer par la maree montante....<br /> <br /> non, on ne peut pas connaitre l ile en ete...<br /> <br /> joa dan anaon<br /> ar sklerijenn kargit hor sperejou
W
Difficile d'avoir le Sein d'Août et l'argent du beurre (salé)
L
Mel'O'Dye: comme moi!<br /> j'ai beau tenter d'écrire de manière amusante ou caustique, le blues revient au galop<br /> parfois bien visible, parfois plus discrètement
M
je viens de me prendre une bonne bouffée d'air frais dans les narines ... avec une bonne dose de blues aussi ... <br /> pfff je suis incorrigible ;-)
L
Oui, je joins mes louanges à celles des autres.
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