émoi

  Hier soir,soirée "Thalassa"...évasion ou somnifère,çà dépend du vendredi. Le programme: le tour des cotes de France par le "Marité",superbe voilier blanc. Sensation de déjà vu,on se dit,on va encore s'endormir tôt...et pourtant...

    Départ,frontière Nord,le bateau descend le long de la Mer du Nord,et je regarde sans émotion des paysages que je ne connais pas,étrange réaction...Même l'aiguille d'Etretat  où j'aimerais bien passer des heures à chercher "la lumière pour LA photo" me laisse froide.

    Peu à peu,le bateau arrive vers des régions que j'ai déjà plus ou moins arpentées..Le sublime pont de Normandie,le grand nord du Cotentin,le plus petit port de France,le Cap de la Hague,si beau et si...atroce à la fois.

    Et le bateau entre en Bretagne... Par le commencement,il ne peut pas en être autrement. Car,quand on aborde la Bretagne,il faut y aller doucement.Debarquer direct à la Pointe du Raz et c'est l'overdose de sensations assurée,trop fort,trop "trop".
La meilleure porte d'entrée,c'est par Saint Malo. L'immense vaisseau de pierre,ville bourgeoise,belle et orgueilleuse. Le seul vent de folie qui y souffle,c'est ...le bruit bien particulier qui la distingue de toutes les autres.Calme Saint Malo? Oui,très calme,et soudain: les cris des goelands qui déchirent le silence...Salut la Mouette! Tu es battue! Ces volatiles qui vivent en bandes font un raffut du tonnerre,amplifié par les remparts qui entourent la cité,ils mettent en joie les touristes et donnent des envies de meurtres aux Malouins.

   J'ai découvert la Bretagne il y a 13 ans,par Saint Malo. Restant bouche bée devant la ville,et saoulée par l'air breton. Pour un touriste,il faut minimum une semaine d'adaptation à l'air,on passe en quelques minutes de l'excitation totale à la fatigue absolue... C'était au temps où je ne connaissais pas l'air du Finistère....
Début d'une longue histoire. Cette année là,si on m'avait dit "dans 4 ans tu vivras ici"...

     Le bateau a laissé la Belle se rendormir,longé Dinard et ses "exmaisons de riches"..
Mis à part quelques lieux secrets,les Cotes d'Armor me laissent froide. Seul le Cap Fréhel relève pour moi le niveau,choix discutable et perso,les Iles aussi bien sur,mais je ne suis pas "22".

   Début de la cote nord du Finistère..L'agriculture intensive a détruit tout le nord du département,mais la mer y est à couper le souffle... Kerlouan,l'Ile Vierge,Portsall,Saint Matthieu,la vraie Bretagne se découvre dans le vent et le froid.
Le bateau entre à Brest,la mal aimée,dont Miossec dit "on finit même par aimer sa laideur et son temps pourri de juillet"...
Brest? J'aime! Son port immense,ses Abeilles,son atmosphère particulière.
    
   Jusque là,quelques sourires,quelques pointes d'émotion qui me piquent le coeur.Je refais mon voyage d'il y a 13 ans...

     Soudain,la voix du présentateur change,plus ému (du moins,veut il nous le faire croire)
Il annonce la cote sauvage du Finistère,la Bretagne 100% intense.
Avalanche d'images.... Les Tas de Pois de Camaret,la Presqu'ile de Crozon,et ces mots "ici,avec un peu d'imagination,on se croirait aux Kerguelen,,,avec parfois à peine moins de vent"...
Les Kerguelen.... un de mes rêves les plus fous! J'irai un jour,sûr.
Les images se succedent. Fini les constructions sauvages,fini les campings énormes,la nature,la mer,point. Les plages sublimes encastrées dans les falaises. La chapelle de la Pointe du Van,et la Baie,ma Baie des Trepassés,et même l'ilot de Tevennec,et Sein,l'île ultime. Je sens les larmes couler. J'ai parlé de tous ces lieux il y a 2j,ici,sur ce blog,ces lieux que je voyais de la plage,moi! Assise sur le sable..

   N de D! Vu d'en haut c'est impressionnant de beauté,et je réalise,mais c'est chez moi! 2h30 de vélo et j'y suis,je peux voir çà tous les jours! Ces images qui vont faire frémir les amateurs de "vie branchée" et de plages surpeuplées,mais qui vont faire rever les autres,ceux qui aiment la mer,la vraie... Ces images,elles sont là,devant moi,en vrai. Et les voir me donne toujours autant de frisson. Je suis dingue de ce coin,et j'y vis! Enfin une pensée positive,enfin je pleure de joie.

   Le bateau contourne la Pointe du Raz,fait coucou au phare de la Vieille,descend vers Audierne,le plat pays bigouden,le phare d'Eckmuhl (350 marches environ que j'ai gravies un jour en courant,sans cardio pour ne pas m'effrayer!).

   Petit crochet vers Concarneau,mini ville close,mini Saint Malo,la classe en moins. Mon Concarneau est plus loin,vers le port,vers les chalutiers immenses en partance vers ailleurs.
S'en suit une ballade le long de l'Odet,rivière qui relie Quimper à l'océan. Des petits bras de rivière s'enfoncent dans les terres,et on y trouve des manoirs superbes,et des longères immenses.
J'ai repéré un jour,débouchant d'un sentier,une petite maison de granit bordée d'hortensias.100% photo pour touristes....sans touristes. Cachée tout au bout d'un aven (un fjord quoi!) mais alors tout au bout..un filet d'eau,4 ou 5m de large... A marée basse,la vasière se découvre,à marée haute le soleil miroite sur la faible épaisseur d'eau,impression de paix absolue.

   Emotion encore...L'Odet,c'est ma rivière! Je vais courir à pied le long de ses gorges,je connais sa furie,je l'aime. Le bateau quitte le Finistère,mais c'est une autre histoire...

   Moi,je quitte la télé. Les yeux emerveillés,et qu'ai je vu? Ce que j'ai déjà vu 100fois,ou plus. Pourquoi suis je autant émue? Si je pouvais,j'arpenterais ces sentiers minuscules,pour y apprendre chaque mètre,chaque pierre,chaque herbe,chaque touffe d'arméria en fleurs qui s'accroche face au vent.Chaque voyage serait différent,car on ne va jamais assez au fond des choses.

    C'est mon pays,et je l'aime. Je me moque de savoir s'il est beau ou pas,si ailleurs il y a plus parfait. Bien sûr,la douceur de vivre ce n'est pas ici qu'on la trouve,ici on se bat chaque jour.Mais parfois le temps s'arrete,et l'instant vous frappe de plein fouet,vous coupe le souffle,l'absolu vous pénètre,et vous vous elevez....

    C'est en contemplant la rudesse de ce pays,en écoutant la voix qui monte de la terre,en me nourrissant du chant de la mer,parfois murmure doux,parfois cri de révolte,que j'arrive,parfois,à trouver ma paix intérieure.

    Je suis allée me coucher,l'esprit plein de flash de lumière. En fermant les yeux j'ai commencé à voler.
Vu d'en haut,c'était vraiment si beau...Je planais. Les yeux remplis de couleurs,l'or des genets,le rose des bruyères,l'insondable bleu de la mer.Je caressais les aretes vives des rochers....
Les poumons gonflés par l'air vif du large qui me faisait tourner la tête,et ouvrant le bec,je cherchais à imiter Jonathan...Voler si haut,planer si loin,moi aussi,crier avec les goelands,à l'aube,le long des murailles...